Lire Anne Perrier est sans fin. Le volume qu’on a ici de ses poésies n’a pas de place parmi d’autres livres sur une étagère. Non, il va et il vient : sur la commode, sur le bureau, sur le lit, sur la chaise, sur la table de chevet. On prend le livre. On l’ouvre. On lit un poème. On referme le livre. On continue à vaquer. Paisiblement.
Laissez venir à moi mes paysages
Maintenant tous les rêves ont fui dépouillés
Mon cœur se fait secret comme un autel
Laissez venir à moi mes paysages
Pour qu’ils bâtissent du silence
Où se taisent les voix qui m’ont blessée
Je me souviens d’un ciel immense dans les yeux
Je me souviens d’étoiles sur le front
Tièdes comme des mains abandonnées
Je me souviens d’amour coulant sur le visage
Et d’un chemin bleu jusqu’au bout du cœur
Oh croire qu’on est chose aussi sans désespoir
Laissez venir à moi mes paysages
Anne Perrier, Selon la nuit, 1952, in La voie nomade et autres poèmes, L’Escampette Editions, 2008
anne perrier
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Lire Anne Perrier.
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Poésie nourrissante.
Envoyer à quelqu’un qui croit que l’ombre est seulement sombre ces quelques vers d’Anne Perrier :
Nourris de silence
Gorgés d’ombre
Les astres se ressemblent me ressemblent
Comme autant de questions posées à l’obscurité
La poésie fulgurante d’Anne Perrier nous accompagne ici depuis quelques jours.
Ce quatrain, on l’aime car il est la poésie nourrissante. Il n’a pas de point, comme une ouverture totale au monde. Il évoque les astres qu’on regarde la nuit par la lucarne. Il est un hommage au silence qu’on aime depuis toujours. Il comporte le mot question, ami du quotidien. Et puis il évoque l’ombre.
Le mot ombre a une sonorité humaine car elle suit la respiration : inspirer, om – expirer, -bre. Elle est belle, l’ombre d’Anne Perrier, gorgée de sève. Elle portera la lumière pour toujours. Elle sera une compagne féconde.
Puis, revient en mémoire un autre poème, de Desnos celui-là :
J’ai rêvé tellement fort de toi,
J’ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
Qu’il ne me reste plus rien de toi,
Il me reste d’être l’ombre parmi les ombres
D’être cent fois plus ombre que l’ombre
D’être l’ombre qui viendra et reviendra
Dans ta vie ensoleillée
On se souvient d’avoir lu quelque part que ce poème de Desnos était écrit sur un bout de feuille trouvé dans la poche de son costume de prisonnier… Ecrire des poèmes jusqu'au bout.
Et on continue, dans l’après-midi calme du jour, à feuilleter des livres de poésie.