Un été avec Romain Gary : « Les cerfs-volants », un magnifique roman dédié à la mémoire, publié en 1980. Le dernier d’une œuvre prodigieuse. Quelques mots prononcés par Ambroise, l’oncle du narrateur, le jeune Ludovic, donne le ton des convictions qu’il serait bien d’avoir encore aujourd’hui : « (…) si tu aimes vraiment quelqu’un ou quelque chose, donne-lui tout ce que tu as et même tout ce que tu es, et ne t’occupe pas du reste… » (1)
Anniversaire : Dans la grande salle du restaurant de la grande maison pleine de pensionnaires durant l’été, pour une semaine ou plus, c'est selon, fêter l’anniversaire d’une dame dont on ne dira pas l’âge. On a fait préparer le grand gâteau à la crème qu’elle aime et au moment du dessert, on le lui amène, surmonté de bougies que, dans son émotion, elle a de la peine à souffler parce que vraiment, répètera-t-elle plusieurs fois, je ne m’y attendais pas ! A tour de rôle, chacun se lève pour lui présenter ses vœux – certains osent un baiser sur la joue qu’elle accepte bien volontiers tellement elle est heureuse -, on prend des photos, on sert à boire et le gâteau est coupé en autant de parts qu’il faut et qu’on amène d’un bout à l’autre de la pièce en veillant bien à n’oublier personne. Et quand la dame dont c’est l’anniversaire soulève son verre et salue toute l’assemblée joyeuse, elle sourit. C’est alors qu’on l’applaudit avant de se régaler de la bonne crème dont on n’hésitera pas à, éventuellement, s’en lécher les doigts et de vider le verre de Moscato.
(1) Romain Gary, Les Cerfs-volants, Folio, n°1467, p. 17. Livre emprunté à la médiathèque Jacques Duhamel de Sanary-sur-mer, cote R/GAR.
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Durant l’été, relire d’anciens Bonheurs du Jour.
Mercredi 24 juillet 2019. Avec la vieille dame.
Dans le parc de la grande maison où on est venu se reposer quelques jours, s’installer sous les tilleuls pour écrire quelques cartes postales.
On les étale sur la table en pierre et on se met à écrire tranquillement, s’arrêtant quelques fois pour écouter le chant des oiseaux.
Une vieille dame, pensionnaire de cette grande maison – on l’a vue à plusieurs reprises déjà – s’avance de son pas hésitant et lent. On la regarde et on lui fait un petit signe de la main. Elle répond avec un large sourire et marche un peu plus vaillamment.
Elle s’approche de la table et du banc et dit bonjour dans sa langue chantante. On lui répond et on lui sourit. Alors, elle continue à parler et demande qui on est, d’où on vient, pour combien de temps on est là, et pourquoi. A chaque question, on répond. On lui fait une place sur le banc et elle s’assied. Elle touche les cartes postales et elle dit qu’elle aimait tant en écrire, aussi, mais elle ne peut plus – elle montre sa main déformée par l’âge – et puis il n’y a plus personne à qui elle pourrait en envoyer. On lui demande qui elle est, d’où elle vient, pour combien de temps elle est là, et pourquoi. A chaque question, elle répond. Au fur et à mesure, elle s’anime. On finit par rire ensemble et quand arrive le moment de rentrer, on marche d’amble dans la grande allée, comme deux amies. On écrira les cartes postales une autre fois.
Avec la vieille dame est aussi le titre du premier ouvrage que j'ai publié aux éditions L'Harmattan, en 2020.