Alors qu’on rentre, on se rend compte que la nuit tombe plus vite maintenant. On s’assied sur une chaise. On respire à peine comme si, après la décision qu’on a prise, on devrait se ratatiner pour prendre moins de place. A ce moment-là, on se souvient de Mozart, celui qui ne fut jamais la proie du désespoir. On murmure l’adagio du concerto pour clarinette. On se lève. On monte dans le bureau attraper le livre d’Eric-Emmanuel Schmitt, Ma vie avec Mozart. Le livre s’ouvre à la page qu’on aime : « Au début j’ai pensé que tu m’envoyais cet adagio par sympathie, juste pour me prouver que tu avais connu, toi aussi, le chagrin.
On laisse couler ses larmes.
Puis le morceau continua et je m’aperçus que tu me disais autre chose. Quoique douce, délicate, la clarinette refusait de fléchir, de céder à la déprime, elle remontait, elle chantait, elle s’épanouissait. Le chagrin se transfigurait. De ton sentiment, tu faisais une œuvre. La tristesse s’était muée en beauté.
J’appuyais mon dos sur la banquette de cuir, je renversais la tête en arrière et laissai couler mes larmes ».
Puis, on écoute l’intégralité du Concerto pour clarinette en la majeur, K. 622 en vaquant dans la maison, en brossant les chats qui reviennent le poil en désordre de leurs promenades dans les jardins brûlés de soleil, en lisant une lettre reçue le matin même, en se réjouissant que les graines de roses trémières soient en chemin, en préparant une tisane de tilleul ramenée d’Italie, …
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Moisson.
Le matin, et quelque fois l’après-midi, lire Pèlerinage à Tinker Creek, d’Annie Dillard tout en notant les mots nouveaux qu’on y apprend.
Recevoir deux jolies lettres et une carte.
Demander à quelqu'un qui a un beau jardin des graines de roses trémières parce qu’on aimerait en planter le long du mur sud de la cour.
Cuisiner du caviar d’aubergines.
Brosser les chats.
Recevoir les photos d'amis en vacances aux Cinque Terre.
Se baigner un matin tôt à la plage de La Vernette.
Donner à une amie un peu du mélange huile d’onagre et huile de bourrache qu’on utilise pour hydrater la peau et l’entendre dire peu de temps après qu’elle trouve ça formidable et qu’elle va le faire aussi.
Admirer la deuxième puis la troisième fleur de l’ipomée et rêver du moment où on ne pourra plus compter les fleurs tellement il y en aura.
Un soir, en rentrant d’une journée passée à la clinique, remarquer que le soleil couchant, tellement rose, est très près ce qui le rend énorme. S'arrêter un instant pour l’admirer.
Ecrire chaque jour.