En s’engageant Chemin de la Morvenède, on sait qu’on trouvera de part et d’autre de la route des buissons de mûres. Seront-elles prêtes à être mangées avec gourmandise? Non, il est trop tôt dans la saison : nombreuses et bien rondes, elles sont encore de ce vert clair mêlé de rose. On repassera dans quelques temps. On avance, le pas cadencé par le chant des cigales.
Plus haut, on s’installe dos contre un pin pour contempler le paysage. Les houppiers arrondis des pins, la mer, le ciel, d’autres pins, Bendor, des voiliers que le mistral penche. Les couleurs sont vives, les contours bien nets. La ligne d’horizon trace d’un trait réglé la séparation entre deux mondes bleus : la mer et le ciel.
On sort du sac à dos le livre qu’on vient de prendre à la médiathèque : Madame Pylinska et le secret de Chopin, d’Eric-Emmanuel Schmitt. On lit. On se chante dans sa tête un peu de Chopin qu’on aimerait tant savoir jouer. Madame Pylinska dit que quand un orchestre joue Bach, « les couleurs fusent ». On relève la tête pour regarder le paysage. On reprend la lecture. Elle revient à Chopin : « sa technique tient de l’aquarelle. Tout se fond de manière unique, et le flou des contours harmoniques s’apparente aux eaux qui mêlent leurs teintes ». On relève la tête. Ce paysage n’est donc pas de la veine de Chopin car même la fine écume frizzante des vaguelettes ne se mêle en rien aux eaux profondes. On ne le sent pas non plus de celle de Bach. C’est un paysage joyeux et, comme toujours, la joie ramène à Mozart, celui qui ne fut jamais la proie du désespoir. L’ouverture des Noces de Figaro, peut-être, dont les violons font penser aux chants des cigales, l’après-midi, l’été. Alors, on chantonne.
MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 123
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Paysage.
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Sable chaud.
Au retour du long bain, se brûler la plante des pieds sur le sable sec de la plage. Donc, sautiller en riant pour rejoindre les serviettes étendues sous le parasol jaune et bleu.