Dans la forêt, des chênes.
Le chêne vert, celui qu’on appelle la yeuse.
Le chêne kermès, qui a donné son nom à la garrigue. Les petits buissons bien serrés offrent au soleil leurs glands verts, encore plus brillants que les feuilles pointues. Ces glands-là, malgré l’automne désormais commencée, ne semblent pas disposer à tomber sur le bord du sentier où on les croise.
Le chêne liège dont le tronc est tellement ridé.
Des glands sont sur le sol. Les anciens avaient l’habitude de mettre dans leur poche le premier gland croisé sous leurs pas. En en ramassant un, on se rend compte qu’il est un peu rongé : des petites marques de dents ont ajouré la peau. On le repose : aurait-on, en arrivant, dérangé un petit habitant des bois parti se cacher en laissant son repas ? ou est-ce tout à l'heure, qu'il l'a laissé, pressé par une affaire plus urgente ? On le laisse au cas où il reviendrait terminer son grignotage quand il aura faim.
On ramasse le gland qui est juste à côté, encore dans sa cupule frangée et on poursuit sur le petit sentier.
MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 119
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Le butin de la balade.
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Les nuits d’été et Régine Crespin.
Partir en début d’après-midi, pour un moment salle d’attente. Se rendre compte qu’on a oublié les lunettes. Revenir. Repartir. Se rendre compte qu’on a oublié le dossier. Revenir. Repartir. Craindre d’être fort en retard et sentir poindre une tension qu’on sait néfaste. A ce moment-là, à la radio, Régine Crespin chante Les nuits d’été de Berlioz. Garer la voiture sur une place de parking car ce chant-là entre au plus profond des âmes et on ne saurait faire autre chose tout en l’écoutant. Ecouter Régine Crespin chanter Les nuits d’été de Berlioz, c’est vivre.
Alors, on écoute. Et il y a le ciel d’un bleu magnifique ; le Faron et le Coudon dont le soleil illumine les pierres blanches de leurs pentes jusqu’à les rendre comme des petits diamants ; la mer qui clapote son bleu d’outremer avec lequel les mouettes jouent joyeusement.
On ose chantonner tout bas, en relevant quelques mots par-ci, par là.
Quand le chant est terminé, on repart. Et on arrive à l’heure, finalement.
Quand viendra la saison nouvelle,
Quand auront disparu les froids,
Tous les deux nous irons, ma belle,
Pour cueillir le muguet aux bois.
Sous nos pieds égrenant les perles,
Que l’on voit au matin trembler,
Nous irons écouter les merles siffler.
…Mais ne crains rien, je ne réclame
Ni messe ni De Profundis,
Ce léger parfum est mon âme
Et j’arrive du Paradis….
…Ce léger parfum est mon âme
Et j’arrive du Paradis….
…Mon destin fut digne d’envie,
Et pour avoir un sort si beau
Plus d’un aurait donné sa vie….