Puisqu’on peut sortir la tête de l’oreiller, on a envie d’aller se promener vers la chapelle de Pepiole. On a toujours aimé ce lieu où dès l’époque carolingienne certains venaient déjà se recueillir. On laisse derrière soir les maisons, quelques vignes aux belles couleurs d’’automne, des lambeaux de forêts sauvés de l’urbanisation, et on s’engage sur les graviers qui mènent à la chapelle. On marche doucement. Si on parle, on parle doucement. On pose la main sur les pierres. On entre et on dit bonjour à des dames qui gardent le lieu ce jour. On ressort après quelques instants de silence, de calme, de parenthèse. On s’assied sur le muret, au soleil. On repart en remontant l’allée. Sur un bord d’une restanque, de minuscules pâquerettes sont fièrement debout. On en prend une qu’on met entre les pages du petit carnet.
MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 149
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La pâquerette de Pepiole.
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De la vigne.
Alors qu’on est encore bien calée dans des oreillers moelleux que des gestes tendres viennent tapoter et remettre en place de temps en temps, des amis passent et amènent avec eux le souffle du dehors. Ils parlent des vignes et du vin et des vendanges auxquelles ils aiment participer. On prend des nouvelles des vignobles : où en est-on à cet endroit ? et à tel autre ? et comment sont les raisins ? et comment on dit que sera le vin cette année ? On les voit bien ces grappes d’un pourpre épais de sang, lourdes aussi. On entend le bruit claquant du sécateur qui les ôte du pied et les sépare des feuilles bientôt automnales.
Quand la récolte sera faite, les pieds de vigne resteront tranquilles. Ils se sentiront, on n’en doute pas, allégés. Seuls sans doute aussi dans leurs espaces parfois vallonnés. De temps en temps le vigneron ira leur rendre visite et touchera là quelques feuilles encore accrochées, ou là quelques brins d’herbe au pied. Avant de quitter le champ, il se retournera comme on le fait quand on quitte la chambre d’un enfant qu’on vient de coucher et il dira peut-être : « A demain ! ». Les nuits seront de plus en plus longues, il pleuvra, il fera froid. Puis un jour encore d’hiver on viendra les tailler en enlevant ce qui serait trop gourmand car il sera temps de penser à l’à venir. Ce sera le réveil : les feuilles viendront au jour tout comme les grains, beaux et fragiles dans le soleil printanier, mais si clairs. Puis viendra l’été et l’abondance du fruit. Et enfin la récolte.
C’est ainsi que la vie semble être parfois comme la vigne.