L’usage des salles d’attente a ceci de positif, c’est qu’on peut largement avancer dans ses lectures. Ainsi, hier, on a pu lire plus d’une heure et demie et terminer Dans mes pas, de Jean-Louis Etienne. Il cite un poète qu’on aime beaucoup, Walt Whitman et son célèbre recueil de poésie, Feuilles d’herbes. « Désormais je ne fais plus appel à la chance, c’est moi la chance. »
Au retour à la maison, on va vers le rayon poésie et on recherche le recueil de Walt Whitman qu'on aimerait bien relire. Il faut dire que les livres de poésie ne sont pas rangés par ordre alphabétique… pas très pratique pour chercher un auteur. On les range, mais de Feuilles d’herbes, point. On sait pourtant qu’on l’a, ce livre ! On en arrive à la conclusion qu’il est ailleurs. Mais où ? On va dans le rayon Roman, à la lettre W. Rien. On va dans le rayon Biographies et Correspondances. Rien non plus. Et dans le rayon Religions et Spiritualité ? On ne sait jamais… Non. Avec les livres de Thoreau ? Non.
« A partir d’aujourd’hui, je n’attends plus la bonne fortune : la bonne fortune, c’est moi !
J’ai fini de me plaindre, j’ai fini de tergiverser, j’ai fini d’avoir besoin de ceci ou cela,
Terminé le petit monde des récriminations (…).
Sans faiblesse ni grief, j’avance à découvert sur la piste. »
Il faut bien l’admettre : le livre est quelque part.
On lance ainsi un appel solennel : que celui ou celle qui a emprunté Feuilles d’herbes, de Walt Whitman se fasse connaitre !
Mais au moins, tout le rayon Poésie est bien rangé.
MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 146
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Qui a Feuilles d’herbes ?
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Nessum dorma.
Depuis bien longtemps on a compris que ce qui compte, dans la suite des jours noirs, gris, bleus, ou blancs, c’est qu’il y ait du sens. Puisqu’on y donne sens, on a des cadeaux quotidiens dont on parle ici en espérant que la chaleur reçue soit perçue par d’autres qui la rechercheraient pour qu’ils puissent s’en couvrir un instant, même légèrement, mais un peu malgré tout.
Ainsi de Nessum dorma, ce fameux air de Turandot qui est venu l’autre après-midi se faire entendre.
Quelqu’un qu’on a perdu avait demandé, peu de temps avant de sombrer dans l’inconscience, à écouter de nouveau ce morceau célébrissime, chanté, bien sûr, par Pavarotti. On avait fait cela et, ensemble, on avait vibré, on avait été ému.
On ne l’avait plus écouté depuis. Et l’avait-on vraiment entendu, cet air ? Car cette fois-ci, les paroles furent précises :
Et mon baiser brisera le silence
Dissipe-toi, ô nuit, dispersez-vous étoiles
A l’aube je vaincrai
Et nous devrons hélas mourir, mourir
Tout était lié : les paroles, la musique, la voix. Cela avait tant de sens, pour celle qui allait partir.
Et, en cette fin d’après-midi où Turandot est arrivée, comme ça, alors qu'on ne l'avait plus écoutée depuis plusieurs années, alors que la fatigue faisait parfois fléchir, on a pu regarder ce moment douloureux du passé avec une grande paix car il y avait du sens à tout cela. Et on a pu redire encore : merci. Et on a puisé de la force. Et on voudrait ce jour transmettre de la chaleur.