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CONTEMPLER / Liste de contemplation - Page 15

  • Lentisques.


    En entrant dans le grand jardin qui donne sur le Mai, on sent dès le portail en fer forgé qu’il faut pousser pour aller à l’arrière de la maison le parfum âcre des lentisques. Les feuilles sont toutes petites, toutes légères, innombrables, d’un vert nostalgique du printemps surtout qu’à ce moment le soleil les inonde de sa belle lumière de fin septembre tout autant que les grappes de petites baies rouges. Elles, on dirait bien, à avoir surgi ainsi un peu partout dans un grand désordre écarlate de ce bois miraculeux, qu’elles aimeraient être tout aussi nombreuses que les jolies feuilles qui vont toujours par deux se tenant la main par-delà le pétiole. Et cette senteur ! Cette senteur ! Ah ! L’incomparable senteur du pistacia lentiscus ! On est venu couper une belle branche. Il faut forcer car le bois des rameaux s’est épaissi. Mais on veut en apporter à celui qui les a plantés là. Il ne peut plus être dehors dans son grand jardin. Il dira, c’est certain, en attrapant la branche et en en observant et le bois qu’il fera rouler entre le pouce et l’index : « Ah ! ils ont profité, on dirait. La branche est un peu grosse maintenant. » Puis : « Ça y est, il y a des fruits. Eh oui, c’est septembre. » Puis : « Et ça sent toujours aussi fort, ce lentisque ! Ça me rappelle l’essence de térébenthine. » Et il la posera d’un geste vif sur la tablette. Le temps de l’après-midi, il remarquera plusieurs fois que ça sent fort, quand même. Et quand, au moment de partir, on lui proposera de la reprendre, cette branche, pour ne pas qu’il en soit incommodé, il dira : « Penses-tu ! Je la garde, pardi. » Et d’un geste de la main, il la repositionnera sur la tablette, bien au milieu.

  • Petite moisson de contemplation.


    Après un long moment à marcher sur la route qui serpente le long du grand lac, obliquer à droite pour suivre le sentier qui s’achemine vers une sorte de promontoire un peu plus haut. Il fait chaud. De part et d’autre, des maisons, des jardins, des arbustes abondamment fleuris - laurier-rose, bignones, buddleias -, des arbres aussi, des feuillus tout autant que des résineux. Et puis tout à coup, plus de maisons, plus de jardins, rien qu’une sorte de grand pré qu’on pourrait prendre pour une lande ; des fleurs de trèfle, des brins d’herbe, des liserons rampants, différentes sortes de marguerites-pâquerettes parfois un peu hautes, parfois au ras du sol. C’est en redescendant alors que les jambes commencent à être fourbues qu’on les voit, de part et d’autres du chemin, hautes haies, les futures mûres. Au milieu de leurs tiges-ronces aux fines épines, elles flamboient d’un rouge incarnat. Elles sont admirables. Innombrables. Tranquilles. Combien de grains dans chaque baie ? Peu importe. Autant qu’il est utile pour que la baie quand elle sera le moment venu d’un violet si sombre qu’on pourra le croire quasiment noir, soit goûteuse à souhait.