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CONTEMPLER / Liste de contemplation - Page 20

  • Petite moisson de contemplation.


    Après un long moment à marcher sur la route qui serpente le long du grand lac, obliquer à droite pour suivre le sentier qui s’achemine vers une sorte de promontoire un peu plus haut. Il fait chaud. De part et d’autre, des maisons, des jardins, des arbustes abondamment fleuris - laurier-rose, bignones, buddleias -, des arbres aussi, des feuillus tout autant que des résineux. Et puis tout à coup, plus de maisons, plus de jardins, rien qu’une sorte de grand pré qu’on pourrait prendre pour une lande ; des fleurs de trèfle, des brins d’herbe, des liserons rampants, différentes sortes de marguerites-pâquerettes parfois un peu hautes, parfois au ras du sol. C’est en redescendant alors que les jambes commencent à être fourbues qu’on les voit, de part et d’autres du chemin, hautes haies, les futures mûres. Au milieu de leurs tiges-ronces aux fines épines, elles flamboient d’un rouge incarnat. Elles sont admirables. Innombrables. Tranquilles. Combien de grains dans chaque baie ? Peu importe. Autant qu’il est utile pour que la baie quand elle sera le moment venu d’un violet si sombre qu’on pourra le croire quasiment noir, soit goûteuse à souhait.

  • Contemplation/dégustation.

    En descendant le chemin au bout duquel il y a la mer, un figuier embaume. On s’arrête. A la saison des figues, il est d’usage de s’arrêter devant chaque figuier croisé durant la promenade. Peut-être y en a-t-il qu’on pourrait marauder ? Celle-ci, peut-être ? On devrait pouvoir y arriver : elle n’est ni très haute, ni très loin. Il s’agit alors d’attraper une feuille et de la tirer à soi, puis d’attraper le rameau feuillu et de tirer encore, mais tout ceci très légèrement afin d’attraper la branche qui suit d’un même mouvement et, en se haussant sur la pointe des pieds et en levant bien haut le bras on peut enfin l’attraper. Délicatement, et en faisant fi du chapeau de paille qui tombe à terre, on la détache mais on ne relâche pas du tout brusquement les branches : on repart en arrière comme si on avait grimpé sur une corde et qu’on en redescendait, tout en sentant dans la paume la chaleur du fruit. Ensuite, on ouvre la main et on regarde la figue. Elle est belle, toute dodue. Elle luit. C’est une fleur, en fait. Comme on l’a appris tout enfant, on l’ouvre en deux en partant du pédoncule jusqu’à l’ostiole au cas où il y aurait une petite bête à l’intérieur. Le spectacle est superbe : des petites billes d’or pur, nichées dans une chair pourpre, s’illuminent sous le soleil du solstice. On mord dedans, le jus s’écoule sur les doigts. C’est du sucre. On pose la peau dans l’herbe et alors qu’on va partir, la tentation est trop forte de recommencer car il y a une autre figue presque tout à côté de celle qu’on vient de déguster. Elle est irrésistible. On recommence : tirer sur la feuille, doucement, sur le rameau, tout doux, sur la branche, attention à ne rien brusquer, se mettre sur la pointe des pieds (on n’a pas pris le temps de ramasser le chapeau qui a roulé à quelques pas), tendre le bras, tirer encore un peu mais tout doucement, et attraper l’autre figue dodue, violette, charnue, luisante ; puis en la calant dans la paume relâcher la branche mais en retenant bien le rameau, puis relâcher le rameau tout en retenant bien la feuille, puis laisser la feuille reprendre de la hauteur, redescendre de la pointe des pieds et admirer la figue. Et se régaler sans passer une seule étape du rituel de la dégustation d’une figue maraudée en chemin. En partant, dire merci, un grand merci, avant de s’essuyer les mains un peu collantes aux herbes folles du bord du chemin et, bien sûr, de ramasser le chapeau qu’on remet sur la tête.