Dès que cela a été possible, on a appris à faire le lit, car il n’était pas question de partir le matin sans que le lit soit fait. En effet, il fallait toujours prévoir que quelqu’un de la maisonnée soit ramené en urgence en plein milieu du jour, et qu’est-ce que les gens auraient pensé de voir que les lits n’étaient pas faits ? et ne parlons pas de la vaisselle.
C’était comme ça. A cette époque, pas de couette qu’on pouvait remettre en place rapidement d’un ample geste, puis se contenter de la tapoter pour se donner bonne conscience. Non : il y avait le dessus de lit, la ou les couvertures, et les draps.
Pendant qu’on faisait sa toilette, on aérait la chambre, hiver comme été.
Puis, soit on avait le droit de « baptiser » son lit, c’est-à-dire de le faire rapidement. Ca, c’était quand on avait changé les draps peu de jours avant, ou bien les matins où il fallait bien admettre qu'on était un peu pressé - mais c'était quand même rare… Soit c’était justement le grand jour du changement de draps et là, ça ne pouvait être que le samedi ou le dimanche…
Soit on faisait son lit à fond. C’était comme ça. On avait le choix sans vraiment l'avoir. On ouvrait donc la fenêtre et, s’il ne pleuvait pas ou s’il n’avait pas plu la veille, on mettait dessus-de-lit, couvertures, et draps sur le rebord de la fenêtre, ne laissant sur le lit que le drap du dessous qu’on tirait bien – car il ne fallait pas qu’il y ait de plis. On bénit le jour où surgirent au magasin des draps housse et des alèses avec des élastiques... Les oreillers, on leur tapait dessus pour leur redonner du gonflant et on les posait sur une chaise en attendant. On remettait tout en vérifiant bien que couvertures et draps soient bien d’équerre ; auparavant, on les avait secoués. C’était d’ailleurs une époque où on secouait tout : les draps, les couvertures, les rideaux, les tapis, les nappes et les chiffons à poussière. Le lit était terminé quand il était fait impeccablement. On pouvait alors fermer la fenêtre et partir, l’un au collège, l’autre à l’école, ou encore au travail, c’était selon.
SE SOUVENIR / L'antan - Page 13
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L’antan : faire le lit à fond.
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L’antan : essorer la salade avec un chiffon.
Puisqu’on a décidé de reprendre la bonne habitude de faire une salade à chaque repas, il est important d’en avoir une provision pour au moins trois ou quatre jours. Sur l’étal, il a fallu choisir : la roquette et ses feuilles vert sombre ? la scarole coquette aux feuilles pâles et alanguies ? la laitue si printanière ? Ah, mais voilà la mâche encore terreuse : on en emportera de quoi faire plusieurs saladiers, dont un ce midi. On sait qu’il faudra bien la nettoyer : on enlèvera le petit bout de racine avec un couteau, d’un geste précis ; on la lavera dans au moins trois eaux.
Dans la cuisine, après le lavage des feuilles, et après avoir utilisé l’eau pour arroser les plantes, comme il y a beaucoup de mâche, on en a fait un tas sur un grand torchon de lin avant de la mettre, en trois ou quatre fois, dans l’essoreuse en plastique qui tourne comme une toupie.
L’antan se rappelle alors à cet instant, et c’est une magie bien douce que de repartir à cette époque sans plastique et sans chichis car on avait besoin de peu pour faire les choses. Quand la salade à essorer avait de larges feuilles, on utilisait le panier à salade car on risquait moins de faire voler de part et d’autre quelques feuilles plus petites. Sinon, et bien on prenait un torchon, on en rabattait les bords au milieu, et on secouait ; parfois, on utilisait un deuxième torchon si le premier était trop mouillé. Puis, on les étendait sur le rebord de la cuisinière pour qu’ils sèchent.
On apprenait ce geste de l’essorage au torchon dès l’enfance : on le voyait faire d’abord par une mère ou une grand-mère ou encore une voisine ou une tante, une grande cousine, tout autant costaudes les unes que les autres ; puis on s’y essayait ensuite quand on était suffisamment grande. Et là encore, comme quand on pliait les draps, on se demandait comment il pouvait se faire que ces femmes aient autant de force.