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SE SOUVENIR / L'antan - Page 11

  • L’antan : essorer la salade avec un chiffon.


    Puisqu’on a décidé de reprendre la bonne habitude de faire une salade à chaque repas, il est important d’en avoir une provision pour au moins trois ou quatre jours. Sur l’étal, il a fallu choisir : la roquette et ses feuilles vert sombre ? la scarole coquette aux feuilles pâles et alanguies ? la laitue si printanière ? Ah, mais voilà la mâche encore terreuse : on en emportera de quoi faire plusieurs saladiers, dont un ce midi. On sait qu’il faudra bien la nettoyer : on enlèvera le petit bout de racine avec un couteau, d’un geste précis ; on la lavera dans au moins trois eaux.
    Dans la cuisine, après le lavage des feuilles, et après avoir utilisé l’eau pour arroser les plantes, comme il y a beaucoup de mâche, on en a fait un tas sur un grand torchon de lin avant de la mettre, en trois ou quatre fois, dans l’essoreuse en plastique qui tourne comme une toupie.
    L’antan se rappelle alors à cet instant, et c’est une magie bien douce que de repartir à cette époque sans plastique et sans chichis car on avait besoin de peu pour faire les choses. Quand la salade à essorer avait de larges feuilles, on utilisait le panier à salade car on risquait moins de faire voler de part et d’autre quelques feuilles plus petites. Sinon, et bien on prenait un torchon, on en rabattait les bords au milieu, et on secouait ; parfois, on utilisait un deuxième torchon si le premier était trop mouillé. Puis, on les étendait sur le rebord de la cuisinière pour qu’ils sèchent.
    On apprenait ce geste de l’essorage au torchon dès l’enfance : on le voyait faire d’abord par une mère ou une grand-mère ou encore une voisine ou une tante, une grande cousine, tout autant costaudes les unes que les autres ; puis on s’y essayait ensuite quand on était suffisamment grande. Et là encore, comme quand on pliait les draps, on se demandait comment il pouvait se faire que ces femmes aient autant de force.

  • L'antan

    Il y a des moments, comme ça, dans la vie, où comme dans une chute on ne sait plus où sont bras et jambes, haut et bas, devant derrière, le temps a chaviré sans rien nous avoir demandé. Quel jour sommes-nous ? Quelle heure est-il ? Où sommes-nous ? Qui est là ?
    Certaines choses sont restées, comme un bruit de pas qu’on reconnaîtrait encore sans hésitation, si c’était encore l’heure du retour pour le dîner du soir ; ou, plus clair encore, le cliquètement des clés dans la serrure.
    D’autres sont tapies dans un endroit tranquille, comme des chats au plus profond de leur sieste, abandonnés à un ailleurs flottant. Elles attendent simplement un signal qu’elles sont seules à connaître pour se réveiller, s’étirer, et rester là, dans ce qu’elles croient être le quotidien d’avant.
    Comme, dans le magasin, ce nouveau rayon de paquets de café en grains devant lequel on s’arrête. Un paquet en main, on en tâte les grains, et on le rajoute au panier de courses.
    A la maison, on ressort d’en haut du placard le moulin à café électrique qu’on avait acheté au tout début de sa vie d’adulte et dont on s’était servi quelque temps, jusqu’à ce qu’on pense plus judicieux d’utiliser du café déjà moulu. Il faut le nettoyer. Puis, on prend le paquet de café et on se souvient de ce geste d’antan qu’elle faisait, elle aussi, chaque matin.
    Se servir du couvercle du moulin comme dose et le remplir de grains.
    Verser ensuite les grains dans le moulin.
    Moudre finement.
    Faire quelques pauses pour remuer le moulin afin que tout le café soit bien moulu de la même façon.
    Rouvrir le moulin et laisser le parfum du café se répandre dans la cuisine.
    Verser le café tout juste moulu dans le filtre.
    Mettre en route la cafetière.