« Ici, en fait, on peut pas compter les arbres tellement y’en a », dit la petite fille à qui on vient de beurrer ses tartines du matin.
On parle des arbres du village, en particulier les beaux tilleuls dont on attend la floraison pour bientôt ; ceux de la montagne, les pins fiers et droits ; ceux qui sont là tout près, les chênes centenaires qui offrent à la maison un écrin protecteur. On lui raconte qu’il y a longtemps longtemps, on avait voulu avec quelqu’un parti trop tôt planter des belles-de-nuit au Paradis mesurer le tour des troncs des chênes et on s’était mis contre l’écorce bras tendus. A deux, on avait à peine réussi parfois, mais on avait bien ri. Dans les yeux de celle qu’on aimerait bien voir rester si jeune car c’est l’âge de l’espérance et du jeu, l’envie s’affiche de tenter l’expérience.
- On essaie, si tu veux.
Pieds nus, on enlace alors les chênes, en allant de l’un à l’autre, en poussant parfois de petits cris quand un caillou nous pique, mais en riant toujours, jusqu’à ce qu’on soit essoufflé et qu’on retourne, les joues rouges, vers la table du petit déjeuner. Le café a refroidi et une abeille se délecte de la confiture d’abricots.
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Arbres.
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Mistral sur Bargème.
Il soufflera fort, le mistral, tant qu’il y aura des nuages blancs dans le ciel qu’il veut immaculé. Au loin, sur La Bastide ou la Roque Esclapon, quelques-uns s’accrochent encore dans le bel azur. Il n’y en a déjà plus au-dessus de Bargème qui dresse fièrement ses pierres jaunes au milieu de la plaine.
On gravit les marches jusqu’à l’église en saluant l’employé municipal qui vérifie que les lampions installés pour la fête n’aient pas été arrachés durant la nuit. On taille une bavette avec celle qui tient le petit café voisin de l’église dont il partage la placette. On salue la rose trémière qui pousse entre les pierres et on s’assied en tailleur sur le muret, face au soleil. Il fait frais. Pourtant, on sent déjà sur la peau la chaleur du jour éblouissant d’un matin de mistral.