Dans ce lieu que j’ai déjà évoqué, là où les couloirs sont si longs, avoir la chance d'y avoir une amie dont l’amitié enrichit ma vie depuis plusieurs années. Quand elle demande : « Comment ça va ? », elle demande vraiment comment ça va. On ne peut pas lui répondre « ça va », d’une façon désinvolte, voire systématique. Non. Il faut répondre vraiment, même si on utilise la même expression, « ça va ». Tout est dans le ton. Et si elle sent qu’on a répondu « ça va » par réflexe, elle ne peut pas s’en contenter. Elle demande alors : « Mais encore ? », et elle pose son regard dans le regard de celui ou celle qui lui fait face. Elle-même, si je lui demande « comment ça va ? », me répond toujours non seulement en vérité mais en allant à l’essentiel. Elle n’est jamais lassée du moindre échange car, d’après elle, il n’y a jamais de petit partage. Et c’est pour cela qu’on peut rester ensemble dans le silence après avoir échangé quelques phrases.
Bonheur du jour - Page 113
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Il n’y a jamais de petit partage.
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Epluche-légumes et chaussettes orphelines : ce qui ne fiche pas le camp.
Autour d’un thé et d’un crumble aux pommes, aborder des thèmes éternels de conversation. Le principal est le temps, bien sûr, qui n’est plus du tout ce qu’il était, mais alors plus du tout, les plus anciens se souvenant qu’il a commencé à se dégrader nettement quand « ils » ont marché sur la lune ; les sujets adjoints, mais tout aussi crispants, sont l’administration ou les opérateurs téléphoniques qu’on appelle sans jamais joindre personne car, après avoir tapé 1 puis 2 puis 5, on s’entend dire que tout le monde est occupé et qu’il faut renouveler son appel ; un nouveau venu depuis quelques temps, le tri des poubelles auquel on ne comprend rien et chacun y va de son explication pour savoir ce qui doit aller dans la poubelle jaune, la verte, la grise, quoiqu’en fait les couleurs ne sont pas toutes les mêmes suivants les villes…
On finit par se rassurer en évoquant d’autres sujets certes contrariants mais qui, eux, semblent se maintenir en l’état : la perte des épluche-légumes alors qu’on s’était promis de faire très attention au nième qu’on venait d’acheter, ou encore les chaussettes qui deviennent orphelines après que leur com-paire ait disparu corps et biens, dans la machine à laver peut-être ou dans un sursaut d’autonomie dont on se demande bien depuis toujours dans quelle mesure il a été possible, bien qu’il soit certain. Et chacun y va de son conseil pour éviter ce phénomène bien qu’on ait envie, sans le dire, qu’il perdure, puisqu’il rassure sur le fait que certaines choses ne fichent pas le camp. Même si...