Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Un été avec Giono : Le Moulin de Pologne.

Le livre était sur le dessus de la pile des Giono en attente. On l’a attrapé et on l’a jeté dans le sac de voyage avant de partir en Italie : l’été avec Giono se poursuit.

On le reprend un soir, après une longue et belle journée à naviguer d’un point à un autre du lac de Côme : il est bon de lire chaque soir avant de s’endormir. C’est un volume de la collection Livre de poche. Il porte le numéro 710. En couverture, le nom de l’auteur en noir, Jean Giono, le titre, dans la même couleur et le même caractère, Le Moulin de Pologne, et entre les deux, une illustration dont les contours débordent un peu sur le blanc, comme le font parfois les aquarellistes : une grande maison bourgeoise au toit de tuiles d’un joli brun rose, des volets bleus bien assortis au ciel, une porte d’entrée flanquée d’une volée de marches en pierre ; pour rejoindre la maison, une allée sans doute de gravier et bordée d’arbres zébrés noir et blanc – des bouleaux peut-être ; aucune feuille dans les arbres : c’est l’hiver ; sur le pré, un cheval broute tranquillement.
La petite fille qui nous accompagne durant le voyage en Italie et qui sait qu’on passe l’été avec Giono nous regarde faire et demande :
- C’est celui-là que tu lis en ce moment ?
Puis après avoir palpé le livre :
- C’est une histoire de moulin ?
On explique que la maison s’appelle comme ça, même si elle n’est pas un moulin.
- Ah…
En quatrième de couverture, « du même auteur dans le Livre de Poche : Un de Baumugnes, Regain, les Ames fortes, Colline, Que ma joie demeure ». Le texte est intégral. Le livre a été imprimé en France. Page 181, le nom de l’imprimerie : Brodard et Taupin, Paris-Coulommiers. Date d’impression : 2ème trimestre 1961. Giono a écrit ce livre en 1951. Il lui a fallu 10 ans pour être en livre de poche… Après la page 181, et jusqu’à la fin du volume, le Livre de Poche fait sa publicité. « Le Livre de Poche publie chaque mois les chefs-d’œuvre français et étrangers de la littérature contemporaine, dans leur texte intégral ». Il existe plusieurs séries : romanesque, classique, encyclopédique, exploration, historique, policière. Quelques mots sur la série classique ; elle est nouvelle. Elle « n’est pas conçue dans un esprit scolaire. Elle entend présenter les grandes œuvres consacrées par le temps » et « remettre en lumière certains écrivains qui, faute d’une diffusion suffisante, n’ont pas conquis la notoriété qu’ils méritaient » ; il y aura une préface « qui situera l’œuvre et l’auteur », écrite par « un des plus grands écrivains français de ce temps ». (Mais dans le volume qu’on a en mains, il n’y a pas de préface). Voici la liste des volumes parus et à paraître dans le 2ème trimestre 1961 : Suétone, Vie des Douze Césars ; G. de Nerval : Les Fille du feu suivi de Aurélia ; Dostoïevski, Les Possédés ; Th. Gauthier, Le Capitaine Fracasse, Baudelaire, Les Fleurs du mal, Balzac, Les Chouans, Flaubert, Madame Bovary. Le même trimestre que Giono…
Mais où donc a-t-on récupéré ce volume ? Il est usé comme souvent les livres qui sont passés de mains en mains. A l’intérieur, les pages sont jaunies. Parfois, elles se décollent. Ne l’aurait-on pas acheté au marchand de livres d’occasion qui était sur le marché de la ville où on a vécu longtemps avant que le destin n’incite à en partir ? Son stand était immense et on y trouvait tout ce qu’on voulait pour une somme dérisoire. On pouvait rapporter les livres, les échanger, donc, on lisait pour pas cher car on lisait beaucoup et on n’avait peu de moyens. On y allait souvent, le dimanche matin, pendant longtemps avec son père, féru de romans policiers et on repartait ayant chacun sous son bras plusieurs volumes ; 7 pour lui, car il lisait un livre par jour.
Mais revenons à Giono et au Moulin de Pologne.
- Tu me fais la lecture ? On dirait ça : tous les soirs, tu m’en lis un passage. Ça doit être bien : c’était sympa à Manosque !
Elle était avec nous à Manosque et avait pu prendre tout ce qu’elle avait voulu quand on était allé à la librairie Le Petit Pois….
C’est parti !
Le Moulin de Pologne est un roman de Giono tout à fait particulier. L’histoire met en scène une famille soumise totalement au destin à tel point que malgré tous les garde-fous mis en place, les drames s’accumulent et semblent inéluctables. A un moment pourtant un homme, Joseph, va prendre les choses en mains et prouver qu’on n'est pas obligé d’être malheureux, donnant au passage une leçon à l’esprit étroit de ses voisins. Résumer l’histoire en quelques lignes, c'est une chose ; faire la lecture d’un roman de 180 pages, c'est autre chose. Le premier soir, la lecture fut souvent interrompue par :
- Je comprends rien.
- C’est long, quand même…
- Mais qui c’est qui parle, là ?
- Bon, alors, Joseph, c’est qui ? Pourquoi c’est si long ?
- En fait, y a pas d’action.
- C’est lui qui a écrit le guide que tu lis tout le temps quand on visite une église ?
- Ca se passe au Moyen-Age ?
On décida donc de préparer la lecture de quelques passages clés ou plutôt « quand il se passe quelque chose », et à bien maîtriser l’arbre généalogique de la famille Coste.
Et chaque soir, on lut quelques pages. La mort du Père Coste, la mort de la petite Marie, étranglée par une cerise, la mort de sa mère en couches…
- C’est qui, elle, déjà ?
- C’est qui, lui, au fait ?
- C’est le père, alors ? Et Joseph, pourquoi il en parle plus ?
Celle de Clara, son mari et ses deux fils dans un accident de train, la mort de Jean….
- Mais ils meurent tous, dans cette histoire ? Tu vois, c’est comme dans les films que tu trouves trop violents.
On lut plusieurs passages sur la société villageoise et sa cruauté ; on parla des dangers de la médisance, du cancanage, on expliqua ce que cela peut être de vivre dans un monde clos, replié sur lui-même, dans lequel les gens sont persuadés d’avoir raison et sont incapables d’admettre la diversité.
Quand on évoqua les brimades vécues par Julie à l’école en raison de « l’originalité funeste » de l’histoire de sa famille :
- C’est vrai, y en a, ils sont trop durs. Ca existait alors déjà au Moyen Age ?
- Elle est bien, sa mère, de l’avoir retirée de l’école. Elle a eu raison. C’est qui déjà sa mère ?
Et quand il s’agit de la fureur des habitants au moment où Julie exhibe sa voix et s’habille de façon outrancière pour l’époque :
- Ils sont débiles, franchement, je vois pas pourquoi on n’aurait pas le droit de s’habiller comme on veut et puis, si elle aime chanter…
Enfin, on parvint au moment de l’histoire où Julie demande, au moment de la tombola, si quelqu’un peut gagner le bonheur : Joseph, le personnage énigmatique du début, revint au premier plan. Il épousa Julie et la rendit heureuse.
- En fait, il est normal, ce Joseph. Pourquoi ils en avaient peur ?
- Mais j’ai toujours pas compris pourquoi l’autre, là, il réfléchit tout le temps…
- Oui, le narrateur… Il doit être vraiment vieux…
A la fin, le fils de Julie s’enfuit avec une gourgandine…
- Une quoi ?
Il fallut expliquer.
- Il s’en va, quoi. Avec une plus jeune. Finalement, pour une histoire qui se passe au Moyen-Age, c’est assez moderne.

Commentaires

  • Je n'ai jamais lu Giono pourtant j'ai beaucoup lu. Tu me donnes envie de lire. J'espère qu'elle a aimé. Belle fin de semaine

  • Et bien, il faut lire Giono pour éprouver un réel bonheur de lecture !
    Bon dimanche. A bientôt !

  • L'histoire dans l'histoire ou plutôt au fil de sa lecture...délicieuse.

  • Merci.
    Bon dimanche.

  • C'est bien vrai qu'un peu de lecture avant d'aller au lit, ça détend! Ce livre a l'air bien bon... Gros bisous et bon vendredi paisible et serein!

  • Je lis systématiquement tous les soirs. Quelle que soit l'heure du coucher.
    Bon dimanche ! A très bientôt !

  • Comme j'aimerai être Martine85 et découvrir Giono pour la première fois. Ce fut un grand bonheur pour moi!

  • Et le redécouvrir, c'est chouette aussi !
    Bon dimanche.

  • Vous êtes un très bon agent pour Giono. On a vraiment envie de se replonger dans ses romans.

  • Giono a-t-il vraiment besoin de moi ? Je ne sais pas. Mais on me conseille de publier toutes mes chroniques sur lui ; je pense que je le ferai cet automne.
    Bon dimanche !

  • Bonjour,

    Je ne connais pas cet auteur, mais cela me donne très envie de découvrir. Merci !
    Belle fin de semaine !

  • Oui, il le faut ! C'est tellement bien !
    Bon dimanche !

  • En lisant votre magnifique billet, j'apprécie de plus en plus Giono. Merci pour vos mots, c'est superbe.

  • Merci à vous. Vous êtes trop gentille.
    Très bon dimanche.

  • je garde un souvenir lointain de Regain - un souvenir d'adolescence - du vert, du vert profond, quelque chose de poignant.
    j'ai écouté il y a deux ans maintenant, l'homme qui plantait des arbres - c'est d'une grande profondeur.
    Nous étions à Gravedona ... un petit appartement au deuxième étage avec vue sur le lac. Une petite ville sans prétention , justement, je l'aimais pour ça.
    Bises

  • Comme vous, j'aime l'Italie du quotidien, celle où les gens vivent et travaillent - et pas seulement les endroits magnifiques et touristiques.
    Bon dimanche !

  • Quel savoureux billet ! Les réflexions de l'enfant sont tordantes, tellement spontanées. Et quelle patience pour s'arrêter, expliquer avec les mots d'aujourd'hui, et se retenir de rire ! Tiens, je vais essayer Pagnol avec ma petite Léonie de 9 ans, ça devrait marcher.

  • Oui, j'en suis sûre ! Les enfants aiment qu'on leur lise des histoires.
    Bon dimanche !

  • Lire, relire Giono. On ne s' en lasse pas. Il nous parle d'une Provence vraie, authentique.
    Merci pour votre visite et votre commentaire.
    Je ne vais pas tarder à faire de la confiture de figues !
    Bonne soirée

  • Je ne me lasse pas de Giono et je vois que l'été avance vite, je n'aurai pas le temps de tout relire ou lire....
    Bon dimanche.

  • Sais tu que je vois la couverture, tu la décrit si bien !! comme Lumières&papiers je dirai Superbe cette histoire dans l'histoire !!

  • Merci !
    Bon dimanche !

  • La meilleure façon de faire aimer la lecture: nul doute qu'elle se souviendra de ces moments .

  • Et c'est tellement agréable de lire à voix haute.
    Bon dimanche !

  • Cette lecture à deux voix (ou presque) est vraiment savoureuse. Les questions sont pleines de logique, mais finalement elle ne s'est pas lassée la petite, vous êtes allées au bout, Elle se souviendra de Giono ..

  • Je l'espère ! Au début, elle l'appelait Giordano, comme celui de la télé....
    Bon dimanche !

  • Ce qui importe : les questions continuent sans se lasser. Et l'on explique, et cela dure, c'est du bonheur.

  • C'est Nietzsche, je crois, qui disait qu'il faut vivre les questions.
    Bon dimanche !

  • Le Livre de Poche, né en 1953, était jeune encore, huit ans à peine.
    Il y a les lecteurs du soir, il y a ceux du matin, et ceux qui n'ont pas d'heure, mais ceux-là peut-être sont moins réguliers.
    Merci pour les commentaires en voix off, des échanges qui peuvent être des éveils, même le soir.

  • La lecture du soir est primordiale pour moi. Je lis aussi le matin, l'après-midi, dès que je peux. Mais le soir, c'est sûr.
    Bon dimanche !

  • Après Coni, Lago di Como... Quel rêve !!!
    Partager une lecture et à partir de celle-ci, aborder différents sujets de discussion entre adultes et enfants est à mes yeux une expérience formidable. Bises. brigitte

  • Oui, ce voyage est un rêve ! Et je rêve les yeux bien ouverts !
    Bon dimanche.

  • Comme tu as été patiente avec la petite fille :-)
    De te lire fut un délice.
    Giono est un des mes auteurs préférés. Je n'ai pas encore lu "Le moulin de Pologne"
    Bonne fin de journée

  • Je comprends la petite fille car j'ai eu un peu de mal à cerner les personnages en commençant la lecture du Moulin de Pologne. Puis la magie de Giono a opéré, même si ce n'est pas le livre que j'ai préféré.
    Comme vous, c'est un vieux livre de poche emprunté à la bibliothèque de mes parents, aux pages jaunies et à la légère odeur de poussière du temps passé.
    Bonne semaine.

Les commentaires sont fermés.