Dans le beau livre sur Marguerite Yourcenar qui nous tient compagnie depuis quelques temps, on relève la citation suivante : « On est optimiste chaque fois qu’on regarde une fleur, ou un beau morceau de pain, et l’on est pessimiste chaque fois qu’on pense à ceux qui dénaturent le pain et tuent les fleurs. »
Qu’en pensez-vous ?
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La toile cirée.
Après avoir marché d’un bon pas le long du littoral entre Ospedaletti et Sanremo, prendre le temps de se balader dans les rues de la vieille ville est un autre bon moment. On passe prendre un café dans un lieu qu’on aime bien, où le café est servi systématiquement avec un petit verre d’eau et où on se doit de progresser en langue italienne car personne n’y parle français. On en profite pour prendre la bonne confiture fabriquée par les moniales du Monastère Trappiste Vitorchiano ; cette fois-ci, mirtil et mora. Puis on rentre. Dans une autre rue piétonne, on remarque des rouleaux de toiles cirées, près de bassines colorées, de pots de fleurs, de balais divers. On se souvient qu’une vieille amie veut, depuis longtemps, changer la toile cirée de sa table de cuisine : c’est l’occasion. On choisit la toile qui lui plairait le mieux et on rentre dans le magasin. Minuscule, c’est une sorte de quincaillerie, bondée. On attend son tour en regardant qui acheter quelques clous, un autre un sucrier en verre dont le vendeur, vêtu d’une blouse grise, fait l’article en montrant l’ingéniosité du bec verseur qu’on peut fermer après usage, un troisième quelque chose d’un peu compliqué qu’il fallait, d’après ce qu’on a compris, commander expressément, un autre encore quelques bougies ; à chaque fois le vendeur, volubile, va et vient entre le comptoir et les rayons, attrapant par ci par là des boîtes installées en hautes piles, parlant à tous, calmant les plus pressés, conseillant toujours. Buonasera, dit-on. Au regard interrogateur du vendeur, on répond qu’on voudrait bien un peu de toile cirée. Arrivo ! Arrivo ! Un geste nous fait comprendre qu’on doit attendre dehors. Quand c’est notre tour, le vendeur arrive avec son mètre en bois, demande quelle toile cirée nous ferait plaisir, en étale une puis une autre, dans la rue toujours et quand on choisit, finalement, celle qu’on avait repéré dès le début, affirme qu’on a fait le meilleur des choix possibles. Sur un petit calepin, il calcule le total de l’achat en fonction du prix au mètre. On rentre dans la boutique, on attend que le paquet soit emballé (oui, emballé), on signale que le sucrier vu tout à l’heure nous intéresse. Qu’à cela ne tienne, le vendeur repart vers l’arrière, revient avec le carton de tout à l’heure, l’ouvre à nouveau, montre le sucrier, explique encore le système ingénieux du bouchon verseur et quand on décide de le prendre, nous en félicite, emballe l’objet avec force papier bulle, papier d’emballage et scotch, bien qu’on lui ait dit qu’on allait juste à côté, mais le sucrier est fragile... Ensuite, on va le long d’un étroit couloir bordé jusqu’au plafond de cartons tous étiquetés afin d’atteindre, dans l’arrière-boutique, la machine à carte bleue. Quand on part, mille grazie, buonasera, le vendeur dit au revoir tout en continuant à virevolter tel un danseur.
La toile cirée a été très appréciée. C’était exactement ce qu’il fallait.