La vigne vierge commence à bien s’étaler sur le mur blanc et à enrouler le porche.
Elle connaît intimement le cours du temps : elle a pris ses couleurs d’automne, ce rouge de la vigne à nul autre pareil. Quand on regarde ses feuilles de très près, on peut suivre du regard les nervures boursouflées de cette sève qui, préservée dans un ailleurs hivernal, fécondera les prochains bourgeons.
Les plantes ont un élan vital ; puisons à leur force.
Elles suivent leur chemin et deviennent ce qui leur est offert d’être ; par moments elles ploient sous le vent ou sous le gel ou sous la pluie ; par moments elles sont à terre ; par moments elles disparaissent ; par moments, elles renaissent.
Les belles-de-nuit ne sont-elles pas en train de disperser à tout va leurs graines en leur confiant les teintes qu’elles auront à déployer l’été prochain ou l'été suivant s'il leur faut plus de temps ?
« C’est ici mon chant qui commence (1)», disait Virgile.
Chaque jour, commencer la suite d’un chant.
(1) Virgile : Le souci de la terre, nouvelle traduction des Géorgiques par Frédéric Boyer, Ed. Gallimard, 2019
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La route vers l’hiver.
Le matin de bonne heure, les étoiles brillent vivement dans le ciel.
Mais il fait froid.
L’automne s’affirme vraiment.
D’ailleurs quand, plus tard, on va chercher les légumes à la ferme, les patates douces s’amoncellent sur les étals.
Certaines sont énormes et leur peau est rouge. D’autres plus petites et leur peau couleur de terre.
Elles ont des formes originales, que nul n'a pu prévoir.
On en prend suffisamment pour, le midi, faire une purée.
Quand on mettra la purée dans l’assiette, on formera un petit puits pour la sauce et avec la fourchette on tracera une route.
La route vers l’hiver.