Le matin, le temps est impeccable. Il fait bon et la brise allège la chaleur. Les agapanthes et les feuilles se balancent. Une rose va éclore. Demain, sans doute.
Un bébé, assis sur sa couverture, a lancé tous ses jouets loin de lui ; il se penche, remue bras et jambes, lance des petits cris ; son instinct lui indique qu’il pourrait aller les rattraper ; il ne sait pas encore comment faire, mais il y arrivera. Demain, certainement.
H. est sortie de l’hôpital. Elle profite de la lumière qui inonde la pièce, allongée sur son lit qui trône au milieu de la pièce et a dit qu’elle mangerait volontiers un peu de cade tiède. Demain, on lui en prendra au marché.
Poster quelques lettres pour faire des signes à ceux qui sont loin mais qui comptent tant. Elles arriveront après-demain et on aura des réponses dans quelques jours.
Prendre un billet d’avion pour aller quelques jours là où on était enfant. On reprendra l’habitude de dire chocolatine au lieu de pain au chocolat.
Passer tout un après-midi avec des amis qui vont bientôt partir en Italie, pour les aider à faire un petit circuit dans des lieux qu’on connait bien : Cervo, Camogli, Portofino, San Frutuoso, Monterroso al Mare, Riomagiorre, Vernazza. Ils partiront au cœur de l’été, et, promis, enverront cartes et photos.
Prendre une décision importante pour avoir plus de temps bientôt.
Commander à la librairie Charlemagne les œuvres de Tranströmer. On les aura dans quelques jours.
MOISSONNER / Moisson - Page 254
-
Moissons multiples.
-
Moisson.
Se lever tôt, avant même que le réveil ne sonne.
Dans la maison endormie, préparer le café, faire griller le pain, ouvrir les fenêtres et sentir que la pluie chaude de l’été va venir bientôt.
Boire le café en écoutant les informations puis éteindre la radio.
Lire.
Entendre le voisin partir travailler : c’est comme un signal que la journée doit commencer, même si c’est un jour où on reste là car on peut travailler à la maison.
Lancer une lessive. Repasser le linge. Essuyer la poussière. Ranger la pièce. Balayer la terrasse. Regarder les plantes et les rassembler pour qu’elles s’abreuvent quand il pleuvra tout à l’heure.
Changer les draps.
Etendre la lessive.
Faire la cuisine.
Lire.
Ecrire deux lettres.
Aller à pied à la Librairie Charlemagne récupérer la commande de livres.
Au retour, offrir le visage aux grosses gouttes de la pluie de l’été.
Lire.
Travailler.
Déjeuner.
Lire.
Travailler.
Prendre un thé.
Plier le linge qui est sec.
Lire.
Brosser les chats.
Lire.
Dîner tôt car on doit aller garder un petit bébé.
Arriver dans la maison du bébé.
S’installer et lire. De temps en temps, se lever pour aller l’écouter dormir, et le regarder aussi.
Lire.
Rentrer à la maison.
Lire alors que la nuit s’avance, les trois chats tout près.
Ecrire dans le petit carnet noir ces quelques vers de Tomas Tranströmer mis en exergue de Sables mouvants d’Henning Mankell :« N’aie pas honte d’être homme, sois-en fier !
Car en toi une voûte s’ouvre sur une voûte, jusqu’à l’infini.
Jamais tu ne seras parfait, et c’est très bien ainsi. »