Tôt, le matin, c’est la nuit encore, la maison endormie s’éveille.
Allumer les lumières.
Faire couler le café.
Dresser la table du petit déjeuner.
Allumer la radio.
Dire bonjour à l’amaryllis, au blé de Noël et au cyclamen rose dont la vue évoque toujours tant de nostalgie.
Puis, on boit le café, on beurre les tartines, on écoute à la radio un programme tranquille.
Tout à coup, comme un léger froissement ; un imperceptible mouvement :
c’est l’amaryllis qui fleurit ! Une fleur s'ouvre. La deuxième. La troisième. La quatrième.
Elles sont blanches.
A-t-on simplement donné le signal du jour ?
Ont-elles attendu qu’on soit là pour éclore en compagnie ?
Ou mieux encore, ont-elles eu envie de nous offrir cette éclosion merveilleuse ?
Bonheur du jour - Page 2
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Eclosion merveilleuse
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Reiner Kunze
"Chardon argenté
S’en tenir
à la terre
Ne pas jeter d’ombre
Sur d’autres
Etre dans l’ombre des autres
une clarté" (1)
Grâce à ma lecture de « Boîter jusqu’au ciel », d’Albert Stricker, j’ai découvert le poète Reiner Kunze. J’ai lu ce poème hier soir, après une après-midi passée auprès de personnes fragiles et esseulées dont certaines ne peuvent déjà plus communiquer.
J’ai toutefois parfois
senti une légère pression de mes doigts par leurs doigts,
remarqué un frémissement à la commissure des lèvres qui pouvait peut-être être un sourire,
comme l’éclat fugace d’un regard qui regardait mon regard.
Parce que c’était une force
une lumière
un élan
qui m’étaient offerts,
je les ai remerciées comme je pouvais moi-même le faire :
en me penchant vers elles,
en serrant leur main,
en leur souriant,
en plongeant mon regard dans leur regard,
en allant vers leur lumière à partir de mon ombre.
(1) Reiner Kunze, Un Jour sur cette terre, Edition Cheyne, 2001, traduction Mireille Gansel, préface d’Emmanuel Terray