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MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 107

  • La toile cirée.

    Après avoir marché d’un bon pas le long du littoral entre Ospedaletti et Sanremo, prendre le temps de se balader dans les rues de la vieille ville est un autre bon moment. On passe prendre un café dans un lieu qu’on aime bien, où le café est servi systématiquement avec un petit verre d’eau et où on se doit de progresser en langue italienne car personne n’y parle français. On en profite pour prendre la bonne confiture fabriquée par les moniales du Monastère Trappiste Vitorchiano ; cette fois-ci, mirtil et mora. Puis on rentre. Dans une autre rue piétonne, on remarque des rouleaux de toiles cirées, près de bassines colorées, de pots de fleurs, de balais divers. On se souvient qu’une vieille amie veut, depuis longtemps, changer la toile cirée de sa table de cuisine : c’est l’occasion. On choisit la toile qui lui plairait le mieux et on rentre dans le magasin. Minuscule, c’est une sorte de quincaillerie, bondée. On attend son tour en regardant qui acheter quelques clous, un autre un sucrier en verre dont le vendeur, vêtu d’une blouse grise, fait l’article en montrant l’ingéniosité du bec verseur qu’on peut fermer après usage, un troisième quelque chose d’un peu compliqué qu’il fallait, d’après ce qu’on a compris, commander expressément, un autre encore quelques bougies ; à chaque fois le vendeur, volubile, va et vient entre le comptoir et les rayons, attrapant par ci par là des boîtes installées en hautes piles, parlant à tous, calmant les plus pressés, conseillant toujours. Buonasera, dit-on. Au regard interrogateur du vendeur, on répond qu’on voudrait bien un peu de toile cirée. Arrivo ! Arrivo ! Un geste nous fait comprendre qu’on doit attendre dehors. Quand c’est notre tour, le vendeur arrive avec son mètre en bois, demande quelle toile cirée nous ferait plaisir, en étale une puis une autre, dans la rue toujours et quand on choisit, finalement, celle qu’on avait repéré dès le début, affirme qu’on a fait le meilleur des choix possibles. Sur un petit calepin, il calcule le total de l’achat en fonction du prix au mètre. On rentre dans la boutique, on attend que le paquet soit emballé (oui, emballé), on signale que le sucrier vu tout à l’heure nous intéresse. Qu’à cela ne tienne, le vendeur repart vers l’arrière, revient avec le carton de tout à l’heure, l’ouvre à nouveau, montre le sucrier, explique encore le système ingénieux du bouchon verseur et quand on décide de le prendre, nous en félicite, emballe l’objet avec force papier bulle, papier d’emballage et scotch, bien qu’on lui ait dit qu’on allait juste à côté, mais le sucrier est fragile... Ensuite, on va le long d’un étroit couloir bordé jusqu’au plafond de cartons tous étiquetés afin d’atteindre, dans l’arrière-boutique, la machine à carte bleue. Quand on part, mille grazie, buonasera, le vendeur dit au revoir tout en continuant à virevolter tel un danseur.
    La toile cirée a été très appréciée. C’était exactement ce qu’il fallait.

  • Jouer

    De bon matin, partir ramasser des bois flottés. Sur la plage, le vent souffle. En regardant du côté du Mai, on ne voit que nuages gris foncé : la tempête se prépare. On sort les sacs. On commence la récolte. On va et vient entre le sable sec et la grève en escaladant des buttes d’algues qui sentent bon l’iode. On a le nez vers le sol. « On le prend, celui-là ? », « Et celui-là ? » « Oh, regarde, il est beau, lui ! » « Et celui-là ! On dirait une fronde ! » « Eh ! Là ! Là ! regarde, il est tout blanc ! » De petits pas en petits pas, on longe la plage. Quand les mouettes sont tout près, on leur court après pour qu’elles s’envolent. On rit. On s’approche aussi de l’eau, pas trop mais assez tout de même pour tenter/risquer de mouiller les chaussures. Alors on crie. On recule en riant. On avance de nouveau. Le grain se rapproche et le vent se prend pour le marchand de sable. Tout à coup, on trouve un grand bois flotté, bien droit : c’est évident, on y attache un des sacs vides et voilà un drapeau. Il claque dans le vent. On court. On court mais peut-on jamais rattraper le vent ? Quand on a les joues rouges, on est près de la pinède. Les pommes de pins sont aussi à saisir. « Oh ! celle-là, mais regarde comme elle est belle ! On pourra la peindre ? » « Oh ! Eh ! Viens voir, vite, vite, viens voir, là, il y en a trois encore attachées à leur branche ! On les prend ? » Les sacs sont pleins. Les poches sont pleines. Un chapeau déborde de cailloux. Un ressac gigantesque amène une pluie drue et salée. On se réfugie dans le café d’à côté dont l’auvent donne sur la plage. A l’abri, on boit qui un café, qui un thé, qui un chocolat et on étale sur la table les trésors. « On a bien joué, hein ? »