Debout en plein milieu de la pièce, écouter la pluie tomber fortement sur le nouveau toit qui « durera bien plus longtemps que nous », a dit le maçon.
Faire une visite à la gentille doctoresse blonde qui dit : « c’est très bien. »
Recevoir un appel de la Médiathèque : le dernier livre d’Andréi Makhine qu’on a réservé quelques jours plus tôt est rentré, on peut venir le chercher.
Prendre un thé au Sport, sur le port de Sanary, et lire la belle longue lettre reçue le matin.
Mettre toutes les plantes dehors, par terre sur la terrasse, bien blotties les unes contre les autres, pour qu’elles s’abreuvent de la pluie et se nettoient de toute la poussière.
Marcher sur le nouveau plancher du bureau agrandi de plusieurs mètres carrés.
Faire la première soupe de l’automne : pommes de terre, courge, poireaux.
Dévorer un livre de Boris Cyrulnik, Je me souviens, et apprendre qu’il est né à Bordeaux – comme Maman, tiens….
Ecrire. Y prendre un tel plaisir qu’une fois le texte de cette nouvelle terminé, en commencer une autre.
MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 219
-
Moisson.
-
Perles de buis.
Aux puces de la Seyne sur mer, trouver une vieille grosse boîte en plastique poussiéreuse remplie de perles de buis. Sans aucun doute, un rideau qui fut cassé et dont on a récupéré les perles. On les touche du bout des doigts, on les fait rouler un peu, pour se confirmer qu’elles sont bien en buis. Elles sont anciennes. Certaines plus foncées que d’autres ; cuites, peut-être par un soleil d’antan. On se demande s’il y a assez de perles pour faire un rideau de porte pour l’été prochain.
Parce que c’est l’usage, on discute très rapidement le prix et on repart avec la boîte sous le bras.
A la maison, on les lave de cette poussière qui se compte en années. Encore humides, on les étale sur une nappe pour qu’elles finissent de sécher. Les chats, curieux et joueurs, profitent de l’occasion pour, d’un coup de patte ou deux, faire rouler les billes et les envoyer finir leur course sur le carrelage. On les leur laisse ; il est toujours bon de partager avec les chats.
Quand les perles sont sèches, on les met en attendant dans un grand saladier – celui du potier qu’on avait rencontré à Carcès il y a plus de trente ans. Sans qu’on s’en rende compte, on prend l’habitude d’y plonger la main à chaque fois qu’on passe.