Au marché, s’approcher en même temps qu’un monsieur de la belle mâche dont c’est la pleine saison. Galant, le monsieur me fait signe qu’il attendra que je me sois servie. Et il ajoute :
« Ah ! la doucette ! c’est tous les jours, en ce moment. »
Il a dans les yeux le même pétillement gourmand qu’avaient ces femmes qui ont façonné mon palais et leurs voix reviennent, qui nommaient ainsi la mâche : la doucette.
« Aide-moi à préparer la doucette, veux-tu ? »
« Reprends un peu de doucette, avec le fromage, tu verras, c’est bon. »
« Vous n’allez pas laisser ces quelques feuilles de doucette au fond du saladier ! Il faut la finir ! »
CUISINER / Dans la cuisine - Page 2
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Doucette
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Le repas.
Ramener de la ferme
des fenouils aux bulbes bien rebondis,
des blettes dont les longues côtes brillent,
une salade aux feuilles bouclées,
des carottes d’une couleur carotte parfaite,
des poireaux tout élancés,
des pommes de terre qui portent encore la trace de leur terre natale,
de la courge découpée comme un croissant de lune,
des œufs que les poulettes qui courent partout se refusent à calibrer ce qui oblige à mettre un élastique autour de la boîte à œufs jaune achetée il y a des années maintenant à la Maison Empereur de Marseille,
des chèvres bien frais et bien ronds.
Le repas sera simple et il aura du goût. Et même avant qu’on ne passe à table, ce sera un moment de partage : au moment où il faudra foncer le moule à tarte de la pâte qu’on aura préparée, des petites mains chiperont un petit bout de pâte crue avant de la piquer consciencieusement avec une fourchette, sourcils froncés et petit bout de langue sortie entre les lèvres, puis de poser les lamelles de pommes les unes contre les autres… Cela s’apprend jeune à faire une jolie tarte !