Pour aller travailler, prendre le bateau comme d’autres prendraient le bus.
Traverser la rade et regarder le ciel, les bateaux, les oiseaux qui s’éclatent à virevolter dans l’espace de l’air.
Décider de s’organiser pour pouvoir faire cela au moins deux fois dans la semaine, plutôt que d’utiliser la voiture. En plus, cela fait marcher : 30 mn pour monter jusqu'au pied du Faron, et tout autant pour redescendre. Il faut donc alléger le sac et on repense à Rimbaud : oui, c'est mieux de pouvoir mettre les mains dans les poches.
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Prendre le bateau.
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Vers Callelongue.
Le paysage est aride autant que somptueux. C’est ou blanc ou vert. Les hauteurs pierreuses d’un blanc parfois presque pur, finement découpées par l’érosion, semblent avoir été un jour des vagues pétrifiées au moment de leur éclatement, comme la femme de Loth le fut quand elle s’est retournée. Les sentiers d’éboulis ajoutent leur propre teinte de blanc légèrement grisé. Même la mer en ce jour de temps couvert est vite enfouie dans une brume blanche jusqu’à son horizon informe. Des myrtes aux fruits encore verts, des épineux de toute sorte, quelques pins le plus souvent rabougris.
Ce paysage est admirable. On s’y sent tout petit. On s’y sent bien. C’est un bel écrin et, pourquoi, on ne sait pas, on se récite le Dormeur du Val de Rimbaud :C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil de la montagne fière luit …
On pense à cet instant qu’on laisserait volontiers ici ses propres cendres car elles y seraient en paix. On regarde un peu partout, comme on visiterait une maison qu’on pourrait faire sienne.Bouche ouverte, tête nue…
La lumière pleut…
Quand tout à coup, au détour d’une trace, il y a deux fleurs bleues.Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu.
Elles sont petites, mais si droites, se poussant du col comme pour se grandir. Elles ressemblent à des fleurs de lin car leur bleu est intense. Sans l’être autant que celui de la bourrache ou du bleuet, il en impose dans le décor de pierres blanches.
On est empêché de les cueillir pour les glisser dans les pages du petit carnet, car elles sont magnifiquement vivantes, ces deux petites fleurs à la tige blanche elle aussi. Elles nous regardent et nous disent : Regarde ce que la volonté peut faire au milieu de toutes ces pierres. Elles ne doutent de rien, les mignonnes.
Alors, on se tient droite, on se pousse du col pour se grandir, on range dans un des tiroirs de la mémoire vive cette image des deux fleurs plus fortes que la pierre et le pas devient si léger que l’éboulis ne l’emporte pas.