Il pleut, et bien tant pis : on sort marcher le long de la Corniche, surtout qu’il y a une course dont on veut soutenir quelques participants. Capuche et chapeau sur la tête, les pieds dans les flaques d’eau, on s’amuse des floc floc floc que font les pas. La course passe dans un sens. On applaudit tout autant les premiers que les derniers, ceux qu’on connait et ceux qu’on ne connait pas. Quand on prend le chemin du retour en admirant tous les gris du paysage, on aperçoit une dame penchée sur quelque chose par terre. Elle semble embarrassée, toute navrée. On s’approche : il s’agit d’un crapaud, égaré sur le trottoir. Il faut le sauver ! Ni une ni deux, on sort un linge du sac à dos, on enveloppe la petite bête tout doucement, et on l’emmène de l’autre côté vers un jardin bien feuillu. Ensuite, on revient s’asseoir sur le muret. On discute avec cette dame dont on est déjà l’amie car on aime aussi sauver les crapauds, les escargots, ou les oiseaux tombés du nid. On se raconte nos sauvetages. Nos promenades. Les préférées. On se dit nos prénoms. On prévoit de se revoir pour une prochaine randonnée. Les coureurs arrivent, des plus fringants aux premiers rangs aux plus épuisés suivis par la voiture-balai : on encourage les gens qu’on connait, et aussi les autres, pas plus anonymes pour nous que le crapaud du jour.
Bonheur du jour - Page 605
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Les amis des crapauds sont aussi des amis.
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La question du lundi : des oiseaux.
Au Printemps dernier, en écoutant une émission de radio, on avait appris, entre autres disparitions, celle de la moitié des hirondelles… La lecture de Printemps silencieux, un livre écrit en 1962 par Rachel Carson, a accentué le sentiment d’urgence devant la situation : quel sera ce monde, où « nul oiseau ne chante », comme l’écrivait Keats cité en exergue du livre ?
Parmi les oiseaux qu’on préfère et qu’on voudrait voir et entendre toujours, il y a d’abord les hirondelles, dont on aimait enfant aller regarder les nids construits aux poutres de la cour sans jamais se lasser des va-et-vient des parents affairés et piaillant pour nourrir leurs petits ; quand les têtes de ces derniers pointaient, c’était une jolie joie. Et puis les mésanges charbonnières, aussi, qui venaient en nuées se nourrir aux boules de graisses qu’on pendait aux branches de l’arbre de Judée planté devant la fenêtre ; quand elles sifflaient au printemps, on espérait les avoir simplement aidées à passer la mauvaise saison. Les moineaux, bien sûr, qu’on a toujours connus ; les piafs. Et tant d’autres, oui, tant d’autres.
Et vous, quel est votre oiseau préféré, celui dont la disparition vous fendrait le cœur ?