"Chardon argenté
S’en tenir
à la terre
Ne pas jeter d’ombre
Sur d’autres
Etre dans l’ombre des autres
une clarté" (1)
Grâce à ma lecture de « Boîter jusqu’au ciel », d’Albert Stricker, j’ai découvert le poète Reiner Kunze. J’ai lu ce poème hier soir, après une après-midi passée auprès de personnes fragiles et esseulées dont certaines ne peuvent déjà plus communiquer.
J’ai toutefois parfois
senti une légère pression de mes doigts par leurs doigts,
remarqué un frémissement à la commissure des lèvres qui pouvait peut-être être un sourire,
comme l’éclat fugace d’un regard qui regardait mon regard.
Parce que c’était une force
une lumière
un élan
qui m’étaient offerts,
je les ai remerciées comme je pouvais moi-même le faire :
en me penchant vers elles,
en serrant leur main,
en leur souriant,
en plongeant mon regard dans leur regard,
en allant vers leur lumière à partir de mon ombre.
(1) Reiner Kunze, Un Jour sur cette terre, Edition Cheyne, 2001, traduction Mireille Gansel, préface d’Emmanuel Terray
mireille gansel
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Reiner Kunze
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Nelly Sachs, enfance, courage et poésie.
Magnificence de Nelly Sachs : Les poètes donnent toujours du courage et signalent que rien n’est jamais perdu. Dans un poème, Mains (1), dans lequel elle s’adresse aux « jardiniers de la mort », ces quelques vers fulgurants auxquels je pense après avoir lu le journal et sa longue liste de nouvelles épouvantables :
« Mains,
Que faisiez-vous
Lorsque vous étiez mains de petits enfants ?
Teniez-vous un harmonica, la crinière
D’un cheval à bascule, avec-vous dans l’obscurité saisi la jupe d’une mère,
Montré un mot dans le livre de lecture –
Etait-ce Dieu peut-être, ou homme ? »
(1) Nelly Sachs, Exode et métamorphose, Traduction de l’allemand par Mireille Gansel, Préface de Jean-Yves Masson, Poésie NRF/Gallimard, 2023, page 42