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  • L’antan : le linge.

    Il y avait le jour du blanc, le jour de la couleur, et, pour le linge délicat, le lavage à la main était quotidien. Presque jusqu’à la fin, elle avait lavé son « petit linge » à la main, le soir, avant de se coucher ; et quand elle n’en avait plus eu la force, on l’avait fait pour elle, de la même façon, tellement on l’avait vu faire ces gestes, répétés et répétés.
    L’antan est trop ancien pour la période de la lessiveuse trônant sur le gaz. Les souvenirs sont flous. Il y a aussi qu’on n’avait pas le droit de s’approcher. On ne pouvait que sentir l’odeur de la lessive chaude. Il était parfois possible de participer à l’essorage fumant au-dessus de la baignoire sabot et c’est sur l’étendoir qui se baissait et se relevait une fois la lessive installée qu’on a appris à étendre le linge.
    L’antan suivant fut celui des machines à laver miraculeuses mais la méthode antique qui avait fait ses preuves a été maintenue : le blanc, la couleur, et le « petit linge » dans la bassine avec les copeaux de savon.
    Pour mettre le linge sale dans le bac à linge, pas question non plus d’être sans méthode : draps, mouchoirs, bleus de travail, chemises, pantalons, sous-vêtements, chaussettes devaient être posés et non pas jetés en vrac, et pliés car le linge, ça se respecte.
    Pour l’étendage, l’adage était clair : linge bien étendu est à moitié repassé – ce qui induisait que le repassage serait la prochaine étape, incontournable, et même victorieuse. Avant d’étendre un pantalon sur l’étendoir, il faut le secouer, bien tirer sur le tissu et lui redonner sa forme. Un pull doit aussi secoué, lissé, posé à plat. Une chemise, bien secouée, est à mettre en forme sur un cintre et il ne faut pas oublier de bien aplatir le col et la bande de boutonnage. Les chaussettes sont à étendre en ligne, une pince sur le haut, mais il ne faut prendre qu’un bord de la chaussette pour que l’air puisse passer, tu vois.
    L’étendoir plein était une œuvre d’art.
    Le linge sec était plié avant que d’être repassé. Déplié pour être repassé. Replié pour être rangé.
    Quand on ouvrait armoires ou commodes, on trouvait un linge odorant, sagement endormi qu’on n’aurait osé malmener.
    On a pensé à tout cela quand on a étendu la première lessive au soleil du printemps.

  • Moisson.

    Alors qu’on longe en voiture la Plage dorée entre Bandol et Sanary, s’arrêter, se garer, descendre sur le sable et y rester un moment avant de repartir.
    Repérer la première clématite Armandii en fleurs.
    Se régaler à poursuivre la lecture de la correspondance de Stefan Zweig et Romain Rolland. C’est la lecture du matin.
    Montrer à une jeune collègue qui apprend à tricoter comment changer de pelote de laine sans faire le moindre nœud.
    Etre là, près de quelqu’un qui vit une épreuve. Lui dire qu’on sera là tout le temps qu’il faudra parce qu’on sait que ce sera long.
    Etre accompagnée par quelqu’un quand il faut s’occuper d’un problème grave. Lui dire merci et s’entendre répondre qu’il sera là tant qu’il le faudra.
    Au rez-de-chaussée de la maison, faire un grand ménage de Printemps.
    Ecouter les concertos n°3 et n°4 de Beethoven.
    Ecrire quatre pages.
    Prendre le café du midi sur la terrasse, parce qu’il commence à faire doux.