L’après-midi couture se passe chez une amie qui a désormais un âge certain. 89 ans. Elle n’a pas été épargnée par les drames de la vie. Elle vit seule, désormais.
Sur sa terrasse doucement ombragée, la vigne vierge a envahi tout l’espace et les plantes sont magnifiques : asparagus, orchidées, ficus, scheffléra, dipladenias. On lui fait des compliments : on se sent bien, là, dans ce cocon vert. Et elle répond avec une grande simplicité : « Ah, moi aussi, j’aime bien être là. Le soir, après le diner, je m’installe tranquillement ; il n’y a pas de bruit. J’y passe toujours un bon moment. »
Cette simplicité et cette capacité à s’émerveiller mettent du baume au cœur.
MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 237
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Du baume au cœur.
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Tortues.
Comme on a promis à une petite fille de lui donner deux tortues, on les récupère dans un jardin ami où elles sont nombreuses à se promener, et on les amène au travail le matin puisque leur nouvelle maman les récupérera le soir en passant pour les amener dans leur futur royaume. On arrive donc avec une boîte à chaussures où les tortues dorment. On les montre. Tout le monde :
« Oh, qu’elles sont mignonnes ! »
« Oh, qu’elles sont adorables ! »
« Oh, des tortures ! C’est trop cool ! »
« Oh, j’en voudrais moi aussi ».
Etc.
Toute la journée ou presque, entre les ordinateurs, au milieu des papiers et des va-et-vient de chacun, les tortues finissent leur sieste puis se réveillent. Elles dévorent leur laitue. « Oh, regardez, elles sont réveillées toutes les deux ! Elles mangent ! » Et hop, petit attroupement autour de la boîte. Une fois le repas fini, elles explorent la boîte à chaussures et fendent l’herbe de leurs patounes. « Oh, regardez, elles se promènent bien ! Elles risquent pas de sortir de la boîte ? ». Et hop, petit attroupement pour discuter du risque et conclure qu’il ne faut pas les laisser sans surveillance.
Au milieu de l’après-midi, une réunion s’impose mais on ne peut pas les emmener. On demande à un collègue de les surveiller. De derrière son écran, bourru, il répond :
« Non mais tu crois que j’ai que ça à faire, moi, de m’occuper de tortues ? »
Mais il est notre seul tortue-sitter possible, alors on insiste. On pose la boîte sur son bureau. Il râle. Se lève. Et décide de les mettre loin de lui pour ne pas être gêné. C’est alors qu’il les voit.
« Oh la la, mais elles sont toutes petites…. »
Son ton et son regard changent.
« Mais elles ont chaud peut-être, non ? Elles n’ont pas d’eau ! Il leur faut de l’eau ! »
Et le voilà parti chercher une soucoupe qu’il ramène avec un fond d’eau. On sort du bureau sur la pointe des pieds alors qu’il parle doucement aux petites tortues : « Oh, vous avez soif, hein, mes pauvres, et ben voilà de l’eau, tenez, je vous aide pour boire …»
Au retour de la réunion, la boîte des tortues est tout près du clavier. "Je leur ai donné leur bain", dit-il. Et quand leur nouvelle petite maman vient les chercher, on entend :
« Attends, attends, que je les regarde une dernière fois ».