Un matin, c’est dit, on se prépare vite et on part à Aix en Provence, visiter au Musée Granet l’exposition Camoin dans sa lumière.
On connait bien ce peintre, et on prend plaisir à revoir des toiles venues de musées où on est allé déjà leur rendre visite.
On s’émeut des lettres de Matisse et de Camoin qu’on prend le temps de lire.
On fait aussi connaissance avec d’autres tableaux, entr’aperçus dans les pages d’un livre. Jeune Napolitaine, de 1906, car on aime le fauvisme et on trouve si beau ces couleurs toutes ensembles (blanc, jaune, bleu, rouge, vert, rose). Coucher de soleil à St Tropez, de 1904, car on aime aussi rester les pieds dans l’eau. Lola sur la terrasse, 1920, car on aime être sur une terrasse, en plein soleil, en plein hiver, avec pour horizon la mer et le ciel qui se partagent plusieurs nuances de bleus. On recopie d’ailleurs sur le petit carnet qu’on a toujours dans le sac quelques lignes de Colette, à propos du bleu de Camoin : « Le bleu fondamental déserte rarement sa mer originelle. Il se réfugie dans une crique claire, élabore le violent en exploitant un fond d’algues roses, plante une crête translucide, bleue malgré tout, sur une vague, plaque sous une trouée de nuage un éclatant métal…." (1945).
MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 233
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La lumière de Camoin.
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Prendre appui sur ceux qui sont forts.
Sur l’instant, ne rien pouvoir dire. S’affaisser sur le fauteuil. Etre sidérée – comme beaucoup.
Constater la barbarie.
Rester comme ça un long moment.
Puis, revient en mémoire un bonheur du jour qu’on avait écrit il y a déjà six ans :
13 août 2010. Irène Némirovsky.
Etre assise là où Irène Némirovsky elle-même s’est assise il y a plus de soixante-dix ans, et être sûre que la barbarie, si elle est plus forte sur l’instant, ne gagne jamais à l’aune de l’éternité : tout à côté, là, un jeune homme allongé sur sa serviette de plage, lit avidement Suite française.
Alors, on se remet debout.
On appelle de toute son âme ceux qui sont forts et sur lesquels on prendra appui.
Et on ressort le drapeau bleu blanc rouge qu’on avait plié il y a quelques mois.