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MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 100

  • Les petites feuilles d’érables.

    Tout autour du Gapeau que les dernières pluies ont transformé en torrent, la forêt est puissamment humide, trop abreuvée même par ces flots venus d’un ciel en rage pour qu’elle puisse tout absorber. Ainsi, certains chemins gardent en leur travers des mares boueuses où le pied s’enfonce jusqu’à la cheville. Mais on sent la bonne odeur de la terre mouillée et de l’humus épais. Mais on voit les lichens lumineusement vert clair s’affichant fièrement sur les écorces noires. Mais on foule sur le sentier un tapis de feuilles de charmes, jaune et doux pour le pas puis, encore plus loin, c’est sur les feuilles d’érables qu’on avance. Les plus petites d’entre elles sont de l’érable de Montpellier.
    On en prend une pour la mettre dans le carnet noir, près d’une feuille de charme ramassée tout à l’heure. Leur petitesse est attendrissante mais elle n’enlève rien à la puissance de leur clarté dans ce sous-bois touffu que le jour gris assombrit encore plus. Ce qui est petit est toujours attendrissant, mais ce sont bien elles, ces feuilles minuscules jaunes comme l’or, que l’on remarque le plus, que ce soit au sol ou encore sur les branches désordonnées de l’arbre. En la tenant par son pétiole, on la trouve aussi bien fragile. On pense à comment elle fut arrachée de sa branche par la tempête, comment elle tournoya violemment pour être précipitée à terre, et qu’on la retrouve, là. Sans doute ses trois lobes réguliers l’ont-ils aidée dans son vol, freinant la chute, telles des élytres dont elles ont presque la transparence.
    On voudrait passer le gué comme on l’a prévu, mais il n’en a plus que le nom : l’eau dévale abondamment sur toutes les pierres. On choisit de changer de circuit pour aller plus haut en suivant des chemins creusés en leur mitan par une eau cavaleuse. Mais avant, on regarde la jolie prêle dont on sait les bienfaits. On est bien en hauteur de la colline quand le mistral se lève. Au détour de la piste, au loin les montagnes enneigées. On les contemple. On prend le temps de se poser sur quelques pierres, de rester tranquille en grignotant deux ou trois arbouses rouges, de regarder tout autour et de sentir les odeurs de la forêt. Quand on redescendra vers le fleuve, on ramassera des branches de houx qu’on a vues joncher le sol. On les utilisera pour les prochaines couronnes de l’Avent et de Noël, même si on se piquera un peu les doigts !


  • Le matin.

    Le matin, se lever en se disant que tout est nouveau. Même si on a plus ou moins le même emploi du temps, c’est bien de faire comme si tout se passait pour la première fois. De cette façon, on peut encore être surpris et, être surpris, c’est sentir la vie en soi car il faut toujours chercher la vie là où elle est, même si elle se cache. Pour y arriver, c’est bien de sentir qu’on respire et que rien n’est lisse tout autour de soi. On peut s’aider en faisant des micro-pauses, le temps de lire l’étiquette du pot de miel, par exemple, le temps d’aligner les verres sur l’étagère, le temps de bien poser ses pieds par terre et de sentir sur le sol chacun de ses orteils. Fractions de temps précieuses pour stopper ce défilement d’images et de gestes qui donnent le tournis.