Relecture de « Bruges-la-morte », de Georges Rodenbach. Un roman lu il y a près de quarante ans dans lequel la ville de Bruges est tout autant un personnage de l’histoire que les autres protagonistes.
Ce récit était resté très vif dans la mémoire, contrairement à certains livres qu’on lit parfois et dont on ne se souvient qu’à peine après les avoir terminés.
Sans doute parce qu’il évoque Bruges, son gris, son béguinage et sa beauté ;
parce qu’il est si bien écrit, dans un français qui disparaît ;
parce qu’il évoque aussi ce genre de passion qui anéantit ceux qui en sont sujets bien qu’ils croient que cela les fait revivre – ici d’un homme pour une femme morte qu'il croit revoir et retrouver dans une femme qui lui ressemble.
Il y a beaucoup de gens comme cela qui recommencent les mêmes histoires en se disant que cette fois-ci, on y arrivera certainement et qui finissent par enrager de constater que cela ne se fait pas comme ils l’auraient voulu.
Ils font comme si pendant un certain temps, même quand ils ont compris qu'ils se sont trompés.
C'est eux qui se sont trompés, d'ailleurs.
Et l’histoire finit mal.
Parce que la place qu’on a laissé à la vie, c’était encore une fois la place de la mort.
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Bruges-la-morte.
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Au milieu des livres.
Des livres reviennent parfois. Ils ressurgissent. On les a lus il y a un moment. On les a bien aimés. On en a parlé. Et puis on les a rangés et on n’y est plus revenu. Il y a quelques jours, ce fut « Dialogue avec les morts », de Jean Clair, lu une première fois en 2011 auquel tout à coup j’ai pensé, sans que je sache vraiment pourquoi. Et je n’ai pas eu à le chercher : je suis allée directement l’attraper de ce geste que nous connaissons tous quand il s’agit de sortir par la tranche un livre rangé au milieu de plusieurs autres. Le volume est tout hérissé de post-it roses. Page 97 : « … retrouver l’écho des voix de ceux qui ont disparu… ». C’est à cette page-là que le livre s’est ouvert de lui-même. Je suis restée un moment, debout devant l’étagère qui ploie légèrement sous le poids des volumes, tenant le livre ouvert de la main droite, l’index de la main gauche suivant la ligne. Relisant ces quelques mots. Une fois. Deux fois. Trois fois. « … retrouver l’écho des voix de ceux qui ont disparu… » Le post-it précédent marquait cette citation de Camus, « La langue est ma patrie », dont il faudrait trouver peut-être un jour trouver d’où elle vient. Mais ce n’est pas cela qui est urgent.