Quelques vers de Nelly Sachs (1), si grande poétesse de l’écoute et de la métamorphose, en ce jour des quatre-vingts ans de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau. Que ferions-nous sans la poésie ?...
« Si les prophètes faisaient irruption
par les portes de la nuit,
faisant briller d’un éclat d’or
les routes d’étoiles étirées dans la paume de leurs mains
pour ceux depuis longtemps engloutis dans le sommeil –
Si les prophètes faisaient irruption
par les portes de la nuit
et cherchaient une oreille tel un pays natal
Oreille de l’humanité,
ô toi envahie d’orties
entendrais-tu ?
Oreille de l’humanité,
ô toi tout occupée à écouter petitement,
entendrais-tu ?
Si les prophètes se levaient
dans la nuit de l’humanité
comme des amants qui cherchent le cœur de l’être aimé,
nuit de l’humanité,
aurais-tu un cœur à donner ?
(1) Nelly Sachs, Exode et métamorphose, et autres poèmes, Traduction de l’allemand par Mireille Gansel, Préface de Jean-Yves Masson, Notice biographique établie par Blandine Chapuis, NRF Poésie Gallimard, 2023, pp. 124/125
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« aurais-tu un cœur à donner ? »
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Pedro Salinas pour accompagner la journée.
En relisant sur un blog ami un poème de Pedro Salinas, envie de le relire encore une fois, encore une autre fois, etc. J’aime la poésie de Salinas qui est simple, lumineuse, ouverte sur l’infini car centrée sur le don de l’amour et sur la vie. Deux vers de lui, de son recueil « La mer lumière » (en espagnol, « El Contemplado » (traduction littérale « le contemplé », 1946) m’avaient éblouie il y a quelques années
« Les joies, la mer
et depuis je poursuis ma route avec ce poète.
« elle ne les perd jamais. » (1)
Voici aujourd’hui quelques lignes extraites de son poème « La voix qui t’est due » (1933).
« Non, ne laissez pas fermées
les portes de la nuit,
du vent, de l’éclair,
celle de l’inouï.
Qu’elles restent toujours ouvertes
les portes connues.
Et toutes, les inconnues,
celles qui donnent sur les longs chemins
non tracés, dans l’air,
sur les routes qui cherchent
leur passage
avec une obscure volonté
et ne l’ont pas encore trouvé
Aux points cardinaux.
Placez de hauts signaux,
merveilles, étoiles ;
que l’on voie très bien
que c’est ici, que tout
veut la recevoir.
Car elle peut venir.
aujourd’hui ou demain, ou dans
mille ans, ou l’avant-dernier
jour du monde.
Et tout
doit être aussi simple
que la longue attente.
..."
(1) Pedro Salinas, La mer lumière, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2011, p. 43, édition, introduction, traduction et notes de Bernadette Hidalgo Bachs
(2) Pedro Salinas, La voix qui t’est due, Ed. La tête à l’envers, prologue Jorge Guillén, traduction Bernard Sesé, p. 15.