Il pleut, et bien tant pis : on sort marcher le long de la Corniche, surtout qu’il y a une course dont on veut soutenir quelques participants. Capuche et chapeau sur la tête, les pieds dans les flaques d’eau, on s’amuse des floc floc floc que font les pas. La course passe dans un sens. On applaudit tout autant les premiers que les derniers, ceux qu’on connait et ceux qu’on ne connait pas. Quand on prend le chemin du retour en admirant tous les gris du paysage, on aperçoit une dame penchée sur quelque chose par terre. Elle semble embarrassée, toute navrée. On s’approche : il s’agit d’un crapaud, égaré sur le trottoir. Il faut le sauver ! Ni une ni deux, on sort un linge du sac à dos, on enveloppe la petite bête tout doucement, et on l’emmène de l’autre côté vers un jardin bien feuillu. Ensuite, on revient s’asseoir sur le muret. On discute avec cette dame dont on est déjà l’amie car on aime aussi sauver les crapauds, les escargots, ou les oiseaux tombés du nid. On se raconte nos sauvetages. Nos promenades. Les préférées. On se dit nos prénoms. On prévoit de se revoir pour une prochaine randonnée. Les coureurs arrivent, des plus fringants aux premiers rangs aux plus épuisés suivis par la voiture-balai : on encourage les gens qu’on connait, et aussi les autres, pas plus anonymes pour nous que le crapaud du jour.
MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 113
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Les amis des crapauds sont aussi des amis.
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Le butin de la balade.
Dans la forêt, des chênes.
Le chêne vert, celui qu’on appelle la yeuse.
Le chêne kermès, qui a donné son nom à la garrigue. Les petits buissons bien serrés offrent au soleil leurs glands verts, encore plus brillants que les feuilles pointues. Ces glands-là, malgré l’automne désormais commencée, ne semblent pas disposer à tomber sur le bord du sentier où on les croise.
Le chêne liège dont le tronc est tellement ridé.
Des glands sont sur le sol. Les anciens avaient l’habitude de mettre dans leur poche le premier gland croisé sous leurs pas. En en ramassant un, on se rend compte qu’il est un peu rongé : des petites marques de dents ont ajouré la peau. On le repose : aurait-on, en arrivant, dérangé un petit habitant des bois parti se cacher en laissant son repas ? ou est-ce tout à l'heure, qu'il l'a laissé, pressé par une affaire plus urgente ? On le laisse au cas où il reviendrait terminer son grignotage quand il aura faim.
On ramasse le gland qui est juste à côté, encore dans sa cupule frangée et on poursuit sur le petit sentier.