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CONTEMPLER / Pages du ciel

  • Etre un solstice d’été.


    Aujourd’hui, la durée du jour sera la plus courte de l’année et la durée de la nuit la plus longue : c’est le solstice d’hiver.
    J’ai longtemps vécu des solstices d’hiver. Chaque jour était un solstice d’hiver. J’étais dans la nuit. J’étais une nuit. Mon regard ne pouvait se poser sur quelque chose de beau, mes mains ne pouvaient toucher quelque chose de doux, mes oreilles ne pouvaient écouter quelque chose d’harmonieux. Tout autour de moi, il n’y avait aucun air à respirer, aucune eau pour se désaltérer, aucune lueur pour s’éclairer. C’était la réalité de ma vie.
    Oui. Mais… En moi ? Qu’est-ce qu’il y avait en moi ?
    Car, intuitivement, je sentais la lumière en moi. Fugace. A peine une lueur, certes. Mais Lumière. De celle qu’on ne peut éteindre.
    Je me suis inclinée de l’autre côté de la nuit jusqu’à lui tourner le dos.
    J’ai soufflé sur ce qui avait été flammes vives et se mourait pour que je ne porte que la nuit : il y a de la chaleur dans les braises...
    Un filet d’air, très court tout d’abord, puis un peu plus long, puis encore plus long.
    Souffler : respirer.
    Désormais, les nuits, qui existent bien, n’ont plus de prise sur les jours.
    Je suis un solstice d’été.
    Bon solstice à chacun !

  • L’incertain du temps

    Avant le départ en promenade, le baromètre l’avait bien indiqué : le temps serait incertain. Et c’est ainsi que, de part et d’autre du chemin sur les hauteurs de l’Ermitage, à Saint-Mandrier, la mer et le ciel, si vastes qu’un seul regard ne pourrait les saisir, étaient bleu-gris foncé et même, là-bas, gris métallique et à côté, gris comme les cheveux avant qu’ils ne deviennent blancs de neige et d’ailleurs, il y en avait aussi de ces gris qui avaient blanchi au point d’être clairs comme la glace d’un névé. En fait, il y en avait une multitude de ces gris, posés comme certains peintres le font sur leurs toiles d’aplats de couleurs. Un ciel à la Nicolas de Staël ?

    Partout où il était possible de regarder, c’était à celui qui serait le plus beau parce que le plus sombre ou le plus clair ou le plus large ou le plus proche de l’horizon qui arrivait encore à soutenir, tel le ciel de lit d’un baldaquin son voile, les nuages déjà gorgés de pluie. Ils clapotaient en calmes ondulations ou en frisures plus tremblantes, à peine écumantes, jusqu’au moment du ressac qui est celui où chaque clapotis peut fièrement penser avoir été le plus parfait de tous les clapotis de la mer.

    Le soleil, blanc flamboyant, faisait parfois signe à travers les nuages qui avançaient comme le fait la neige des avalanches, en roulant, comme ça. Alors, une ligne encore plus flamboyante illuminait la mer (au milieu de tout ce gris, c’est ce mot de flamboyante - flamboyant, flamboyance, flamboiement - qui semble le mieux à même de dire ce qu’il en était à ce moment-là du surgissement du soleil). Mais cela ne durait pas : on voyait bien qu’au loin, du côté de Hyères, la pluie battait les flots au point qu’il devait y faire déjà nuit tandis qu’en face l’horizon ployait encore sous le poids de nuages d’un noir qui portait encore en eux le bleu dont ils étaient nés.

    Sans l’entendre encore – il faudrait pour cela descendre un peu plus près du rivage -, je savais que le ressac sur la plage de la Coudoulière serait de plus en plus roulant comme les nuages, tout au fond, là-bas, et que je resterai à écouter son chant car, de tout temps à jamais, le ressac chante en se brisant et en allant et venant sur les galets. Aujourd’hui, il chanterait cet incertain du temps. Les nuages sont-ils tristes de ne savoir chanter ?