Il a gelé dans la forêt aussi et en y marchant alors que la matinée a bien commencé, le givre fond et s’égoutte si bien qu’on a l’impression qu’il pleut alors qu’il fait soleil. Au bout de la piste, la mer lumineuse au bleu profond apparaît et s’étend jusqu’à l’horizon qui tremble, de froid peut-être. Les pierres entre les pins affichent un blanc qui pourrait être de neige comme celle qui est tombée sur les montagnes derrière, au nord, si la neige tombait si près du rivage. Elles en ont simplement la froidure. C’est beau ce paysage blanc caillou et bleu ciel et mer. En le contemplant, on ressent ce qu’évoquait Barbara Hepworth : « le sentiment miraculeux de l’éternité. »
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Quelques vers pour la journée.
En marchant le long de la mer, quelques vers de Pedro Salinas sont revenus. Les voici :
Avec joie
Combien, combien en a la mer,
combien de joies !
Etres de lumières, sur l’eau,
dansant sur la pointe des pieds.
Comme les flots finissent bien :
ils meurent en ballerines !
Dans les machines bleues
des fêtes se profilent.
Ni vagues, ni reflets ne sont
tout ce qui brille.
Ni écume celles qui jouent,
déjà évanouies.
C’est la comédie que la jouissance
monte chaque jour.
La constance dans le bonheur.
Oui, celles qui s’obstinent
Comme bonheurs, à être.
Ténacité, dans la félicité.
Les joies, la mer
elle ne les perd jamais.
Alors pourquoi ai-je
la main sur ma joue ?
Tiennes, ou miennes, peu importe,
puisqu’on les voit,
Dans l’air, dans le soleil, laissant resplendir
leur corps d’ondines ?
Si toutes les jubilations sont siennes,
elle me les offre toutes,
Comme la vie, chaque jour,
elle m’offre ma vie,
En acceptant la lumière
qu’une autre aurore m’envoie ?
Les joies qui me manquent,
elle me les fabrique.
Depuis ses lointaines profondeurs
elles cheminent vers moi.
Et là dans les yeux, les siennes
se font miennes.
Pedro Salinas, Avec joie, in La mer lumière, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2011, p. 41,