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MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 161

  • Instants uniques.

    L’été, les journées commencent tôt pour qu’on puisse avancer dans le travail avant qu’il ne fasse trop chaud. Le travail, c’est la lessive, le rangement, un peu de ménage, le repassage, le sol lavé, les quelques courses, la maison aérée avant qu’on ne ferme les volets. Ainsi, pendant que deux boutis tournent régulièrement dans la grosse machine de la laverie, on va prendre les légumes pour la ratatouille, le rôti pour le dimanche, le pain pour la journée. Puis, sur le fil de la grande maison bien rangée désormais, on étend ; à deux. La vieille amie tient dans sa bouche une pince à linge et deux autres dans ses mains. Elle conseille de bien fixer le linge, car il est possible qu’il y ait du vent. Puisqu’elle nous a aidés à étendre nos boutis sur son fil, on attend que sa machine se termine. On prend un café dans la cuisine. On essuiera tout à l’heure d’un coup d’éponge une trace de café laissé sur la toile cirée. A deux encore, on étend les draps et l’alèze : il faut profiter du beau temps. On tire sur le tissu bleu et on le fixe bien. De la main, la vieille dame lisse les draps. C’est comme une caresse.
    Le soleil a profité de ce qu’on était occupé pour s’installer : pas de doute, il est temps de fermer les volets. On prend heure pour plier le linge.
    Quand cette heure arrive, les cigales à tue-tête bruissent à qui mieux mieux. On remarque que la pelouse est totalement sèche : l’herbe crisse sous les pas. Les draps ont déjà été enlevés : « Oh, mais j’ai déjà tout refait mon lit, dit-elle, les mains sur les hanches, un peu voûtée dans sa robe de coton sans manches. Et là, j’ai commencé mes confitures d’abricots. Cinq kilos. ». On plie les boutis. Ils sentent le soleil. On entre dans la cuisine où trônent des marmites remplies d’abricots trempant dans le sucre. Malgré l’heure, on boit du café. On aide pour la confiture : tout le monde s’y met. On passe les marmites pleines de la table de la cuisine au plan de travail qui prolonge l’évier. On ressort casser les noyaux en utilisant un marteau qui n’a plus d’âge. On pèle les amandes. On les partage également dans les marmites qu’on recouvre de couvercles hétéroclites. Une fois tout cela fait, on nettoie la toile cirée et on pose les bocaux en verre pour qu’ils soient prêts. On estime bien leur nombre. Ils brillent.
    Dans cette cuisine, rien n’est bien neuf et sur la table, il y a toujours une coupe à fruits, ou un torchon, ou encore autre chose, parce qu’on vit là. On mange. On prépare le repas. On parle. On boit le café.
    Avec tout ça, l’heure est bien avancée. On se fait la bise pour se dire au revoir et on se remercie mutuellement. Promis, demain, on viendra remuer les confitures quand elles cuiront et on aidera à la mise en pots.

  • Des nouvelles de l'ipomée.

    Le petit bout d’ipomée trouvé dans un coin de la cour, desséché et poussiéreux, a été replanté à l’entrée, au pied de la canisse blanche, dans l’espoir qu’un jour ici aussi on pourra admirer un vaste haie de fleurs bleues.
    Il a tenu. Il va bien. Il pousse.
    De trois feuillettes, il est passé à ….. une bonne vingtaine de feuilles. On a pu accrocher une liane à la canisse, et deux autres lianes commencent à se faufiler de part et d’autre : bientôt, on les attachera souplement elles-aussi pour guider leur pousse vers le haut. Les voisins ont été prévenus qu’à cet endroit, un dispensaire pour ipomée desséchée a été installé, le temps que ladite ipomée se fortifie. Pour bien leur faire comprendre l’importance de la chose, on leur a décrit ce qu’elle deviendra, en s’extasiant à l’avance sur les corolles et le feuillage de l’année prochaine.
    Ils n’ont fait aucun commentaire : on leur avait déjà demandé l'autre jour de faire attention, au tournant de la cour vers l’escalier, au bébé gazania qui avait surgi à l’improviste.