« Tu me demandes souvent si j’écris toujours. »
Ce sont les premiers mots de Christian Bobin que j’ai lus au tout début des années 80, dans Lettre pourpre, un mince livre de quelques pages, publié en 1977 aux éditions Brandes, illustré par Laurent Debut, exemplaire n°31.
J’ai poursuivi par Le feu des chambres, aux mêmes éditions, en 1978, exemplaire 149. En voici la dernière phrase, à propos des femmes : « Pour qu’il leur survienne un arbre dont chaque fleur sera un sourire, une mousse de sourires, un banc de mots et de lèvres charitables. »
Vendredi, au mitan du jour, après avoir appris la nouvelle de son décès, je suis allée dans la bibliothèque chercher ses livres, rangés entre Karen Blixen et José Luis Borges. Je les ai pris, il y en a pas mal, et je les ai posés sur la table. Je les ai regardés. La pièce était silencieuse. J’ai sorti Mozart et la pluie de la pile, bien qu’il ne pleuve pas, mais Mozart… et Mozart et Bobin... « Les heures silencieuses sont celles qui chantent le plus clair. » (1)
Alors je suis restée silencieuse près de ses livres.
(1) Christian Bobin : Mozart et la pluie, suivi par Un désordre de pétales rouges, Ed. Lettres vives, 1997, p. 41.
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Christian Bobin.
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Relire d’anciens Bonheurs du Jour : La transparence du matin.
12 octobre 2018.
Dans son livre magnifique, Nourrir sa vie, François Jullien emploie une expression marquante : arriver à la « transparence du matin » (page 20, Points Essais).
Qu’est-ce que la transparence du matin ? On est resté page 20 pendant plusieurs semaines. S’agit-il d’un matin d’été, ou d’hiver, ou de printemps ou d’automne ? Y a-t-il des matins plus transparents que d’autres ? Peut-être... Certains d’entre eux ont pu être des repères. On prendra l’exemple de celui d’un jour d’août, au sommet du Lachens. Près de rochers bordés de lavande. L’air était léger. Sa pureté palpable, jusqu’à rendre le ciel tout enveloppant. Il était aisé d’être en cohérence avec son élan vital.
Ici, il a fallu plusieurs dizaines d’années pour se diriger vers cette transparence car le "délestage" (le mot est aussi de François Jullien) a été bien plus long qu’on ne pensait, d’autant que des imprévus multiples ont fait naître des ralentissements voire, parfois, des bouchons. Il ne faut pas leur en vouloir, à ces imprévus : ils ont aussi apporté leur pierre à l’édifice.
On est assez proche maintenant, de cette transparence. On en est à une sorte de simplicité qui n’est pas encore pleine mais on vit sans fard, sans agitation, sans faire-valoir ; on ne se sent ni en retard, ni en avance, ni débordée ni débordante.
Le chemin se poursuit.