Aujourd’hui, Maman est morte. A cette nouvelle, un flot de gens d'un peu partout est venu lui rendre visite et lui dire un bel au revoir.
A un moment, le flot s’est tari car il fallait bientôt partir. Pourtant, quelqu’un d’autre est arrivé encore, à tout petit pas, essoufflé d’être venu depuis sa propre chambre au bout du couloir. Il est resté sur le pas de la porte, hésitant. On l’a invité à entrer et il s’est joint un instant aux quatre veilleuses.
Comme souvent cela arrive aux hommes, il a pleuré comme pleure un enfant, bruyamment.
On l’a aidé à les essuyer, ces chaudes larmes. Puis on lui a pris la main. Puis on lui a entouré les épaules d’un bras protecteur. Puis, on l’a bercé pour le consoler. Puis, alors qu’il retournait, toujours vacillant, vers la porte ouverte, on lui a demandé si cela lui ferait plaisir de garder un souvenir. Tenez, lui a-t-on dit en souriant, prenez ce napperon. Elle aimait en poser partout. Vous le mettrez dans votre chambre, si vous voulez, comme ça, vous l’aurez encore un peu avec vous. Comme c’est gentil, a-t-il répondu. C’est une consolation qui me touche. Puis, en lui prenant doucement le bras, on est allé avec lui jusqu’à sa chambre et on l’a aidé à choisir un bel endroit pour poser le napperon brodé qu’on avait ramené de Bruges il y a tant d’années.
MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 259
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Consoler.
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Le soulagement du pardon.
Se rendre compte, tout à coup, que ce n’est pas seulement parce qu’il y a la poésie, la musique, les livres, les chats, les fleurs, les arbres, le ciel, la mer, l’amour et l’amitié qu’on poursuit ce chemin difficile duquel on ne peut, pour l’instant, prendre la tangente.
C’est parce qu’on a pardonné.
Quand était-ce ? On ne sait pas. Mais c’est bien cela qui s’est passé puisqu’on n’a plus de rancune, plus de rancœur, plus de regrets ; on n’a plus non plus dans le regard cet effroi qu’ont les bêtes proies du chasseur ; ni même ces battements de cœur à étouffer.
Avoir pardonné a soulagé.
Un poids en moins.